(Ottawa) Des défenseurs de l’industrie des médias imprimés et numériques dénoncent l’attitude de Google, qui, selon eux, intimide les Canadiens en limitant l’accès aux nouvelles en ligne dans le cadre d’un différend avec Ottawa.

« Les Canadiens vont voir cela comme une entreprise étrangère qui intimide les Canadiens, et je ne pense pas que cela sera bien reçu », a déclaré Paul Deegan, président de Médias d’Info Canada, qui représente des centaines de publications à travers le Canada.

Google a confirmé mercredi qu’il empêchait près de 4 % des utilisateurs canadiens de visionner du contenu d’actualités, pour tester pendant cinq semaines sa réponse éventuelle au projet de loi du gouvernement libéral sur les nouvelles en ligne.

Le projet de loi C-18 obligerait les géants du numérique comme Google et Meta, propriétaire de Facebook, à négocier des ententes afin d’indemniser les entreprises médiatiques canadiennes pour la republication de leur contenu sur leurs plateformes, ou pour offrir des liens qui y conduisent.

Selon le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Michaël Nguyen, Google « démontre malheureusement qu’elle accorde plus d’importance à ses bénéfices qu’au droit du public à une information fiable et vérifiée ».

Cette superpuissance numérique se dit ainsi prête à laisser le champ libre au contenu qui désinforme, plutôt que de perdre une infime fraction de ses revenus en versant aux médias des redevances pour du contenu qui lui permet de s’enrichir.

Michaël Nguyen, président de la FPJQ

Les grandes entreprises de médias ont salué le projet de loi comme un moyen de créer des règles du jeu équitables avec Google et Facebook, qui leur font concurrence pour les revenus publicitaires. Les entreprises technologiques ont critiqué le projet de loi, arguant qu’il s’agit de la mauvaise approche pour assurer la vitalité de l’information journalistique.

« Les revenus publicitaires qui étaient autrefois le pilier du journalisme local, les grandes sociétés technologiques profitent maintenant de ce journalisme, mais n’ont pas payé pour », a déclaré jeudi Peter Julian, leader néo-démocrate à la Chambre des communes.

« L’ère où les grandes sociétés technologiques pouvaient fonctionner sans responsabilité sociale dans le cadre de leur plan d’affaires est révolue », a-t-il ajouté.

L’exemple de l’Australie

Lorsque l’Australie a introduit une loi similaire en 2021, Meta a temporairement bloqué les nouvelles de Facebook.

Meta avait déjà menacé de prendre cette voie au Canada, mais la société a déclaré jeudi qu’elle n’avait apporté aucun changement à ses services dans ce pays « pour le moment ».

L’entreprise a déclaré qu’elle ne générait pas de revenus importants à partir du contenu des actualités.

M. Deegan a dit avoir parlé avec des éditeurs australiens qui ont averti que la situation pourrait se reproduire au Canada.

Les commentaires que nous avons reçus des Australiens indiquent que Google fera beaucoup de bruits d’épée avant l’entrée en vigueur de la loi. Mais une fois qu’elle a force de loi, ils agissent comme une entreprise citoyenne responsable.

Paul Deegan, président de Médias d’Info Canada

Mercredi, une porte-parole du ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez avait également laissé entendre que Google faisait preuve d’intimidation.

« Cela n’a pas fonctionné en Australie, et cela ne fonctionnera pas ici parce que les Canadiens ne se laisseront pas intimider. En bout de ligne, tout ce que l’on demande aux géants du web, c’est de payer leur juste part aux journalistes quand ils utilisent leur travail », a dit la porte-parole Laura Scaffidi dans un communiqué mercredi.

M. Rodriguez a fait valoir que le projet de loi « améliorera l’équité » sur le marché de l’information numérique en créant un cadre et un processus de négociation avec les mastodontes en ligne.

Pendant les tests de Google, les utilisateurs concernés verront un accès limité aux nouvelles canadiennes.

La mesure affectera également certains usagers d’Android qui utilisent la fonction Découvertes de leur téléphone, qui diffuse des actualités et des reportages sportifs.

Tous les types de contenu d’actualités sont touchés par les tests de Google, qui dureront environ cinq semaines, a indiqué l’entreprise. Cela comprend le contenu créé par les radiodiffuseurs et les journaux canadiens.

La société a déclaré qu’elle effectuait des milliers de tests chaque année pour évaluer toute modification potentielle de son moteur de recherche.

L’organisme Les AMIS, anciennement connu sous le nom de « Les Amis de la radiodiffusion », affirme que la décision de Google est avant tout une affaire de cupidité.

Sa directrice, Marla Boltman, a déclaré que Google était motivé par l’appât du gain à tout prix, plutôt que de vouloir coopérer avec les législateurs du monde entier afin de soutenir et d’appuyer la liberté de la presse et la démocratie.

Meta finance un nombre limité de bourses qui soutiennent les journalistes émergents à La Presse Canadienne.