Récemment, les parlementaires de l’Assemblée nationale du Québec, groupés en moutons, ont endossé une motion du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, « afin de rendre inadmissible l’infraction d’agression sexuelle aux peines d’emprisonnement dans la collectivité ». Seul le Parlement fédéral pourrait rétablir cette mesure conçue initialement par un gouvernement conservateur.

Rappelons le premier objectif du Code criminel : protéger la société, prévenir la criminalité et contribuer au respect de la loi. Les tribunaux insistent fréquemment sur la dissuasion et la dénonciation des comportements abusifs causant préjudice aux victimes et troublant la quiétude collective.

Bref, la mission dominante d’un tribunal pénal ne consiste pas à secourir les victimes en administrant une justice thérapeutique, mais à assurer la sécurité publique en sanctionnant les contrevenants, au terme d’un processus juste et équitable.

La culpabilité d’une personne accusée étant établie, des conséquences affligeantes s’ensuivent, notamment l’indignité d’une condamnation rendue publique. L’infliction d’une peine par un tribunal doit impérativement être proportionnelle à la gravité de l’infraction commise.

S’agissant de voter pour ou contre une disposition du Code criminel, l’exigence d’individualité d’une sanction pénale échappe totalement à la compétence des parlementaires. Populiste ou réaliste, le vote des élus ne tient jamais compte des faits et circonstances caractérisant le comportement d’un accusé et les préjudices subis par une victime.

Responsabilité du juge

Dans chaque affaire judiciarisée, il incombe au juge de rendre justice de façon éclairée, soit en tenant compte des circonstances propres à l’infraction commise. La procédure contradictoire permet aux parties d’étaler des facteurs aggravants ou atténuants. En outre, la loi prévoit l’opportunité pour les parties d’en appeler de la justesse d’une peine. Cette soupape de sûreté échappe forcément aux parlementaires.

Outre l’infliction d’une peine, l’infamie liée à l’abus sexuel entraîne plusieurs stigmates : prélèvement potentiel d’ADN, prononcé d’interdictions, et surtout inscription au registre national des délinquants sexuels.

Devant le tribunal, la participation d’une partie plaignante est limitée à celle d’un témoin à charge. À l’étape des observations sur la peine, la prise de parole lui est acquise, mais seulement pour expliquer le contenu de sa déclaration écrite quant aux préjudices subis et ressentis.

En somme, une victime n’a pas le statut de partie prenante au débat judiciaire. Seuls le ministère public (au nom du Roi) et l’inculpé ont droit d’administrer une preuve et de plaider quant au mérite d’une peine. Selon la Cour suprême⁠1, l’appréciation de la justesse d’une sanction incombe exclusivement au juge de première instance.

Dans certaines juridictions étrangères, en quête d’efficacité, on favorise une approche intégrée comportant des fragments de droit pénal, de droit civil et de droit familial. Cet agrégat juridictionnel n’est pas possible au Canada. Le droit criminel, la procédure et les règles de preuve relèvent de la compétence exclusive du Parlement fédéral.

Loi fédérale

En 2015, une loi fédérale – intitulée Charte canadienne des droits des victimes – a déterminé que le système pénal de justice renvoie aux enquêtes et poursuites d’infractions, au processus correctionnel et à la mise en liberté surveillée. Les procédures administratives liées aux troubles mentaux sont incluses dans ce processus. Sous l’angle d’une charte des victimes, toutes les étapes liées à la juridiction d’un tribunal sont exclues.

Au Canada, chaque organisme gouvernemental doit respecter les limites de son rôle institutionnel. Notre Constitution détermine que l’État fédéral écrit le Code criminel, alors que les provinces veillent à l’administration de la justice. En surplomb, notre charte constitutionnelle relative aux droits et libertés assure à quiconque des garanties juridiques face aux lois et règlements d’État et à ses agents.

La Cour suprême a trimé dur pour sacraliser le dogme de l’indépendance judiciaire. Les juges ne sont soumis à aucune autorité hiérarchique supérieure, sauf le Conseil de la magistrature. L’indépendance institutionnelle des juges reflète un engagement profond envers la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

C’est là une protection contre toute forme d’ingérence, peu importe la source… y compris une motion à fumet politique !

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