Le premier ministre Justin Trudeau vient d’annoncer la nomination de la première représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby.

À trois jours de l’anniversaire de l’attentat sanglant de la grande mosquée de Québec, on peut comprendre la volonté du Canada de s’engager dans la lutte contre les violences animées par la haine de personnes de confession musulmane. Toutefois, comme chaque année à la même date depuis cet horrible évènement de 2017, on ne peut que déplorer la récupération politique pour faire progresser une ligne d’action politique liberticide, alimenter le « Québec bashing » en associant le meurtre d’Alexandre Bissonnette à une « islamophobie » québécoise ambiante, et déplorer les amalgames qui sont faits avec la Loi sur la laïcité de l’État, accusée de tous les maux.

Encore cette semaine, Mohamed Labidi, président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), n’a pas hésité à lier le meurtre de Québec à un climat d’intolérance qui serait alimenté… par la loi 211.

La nouvelle représentante, Mme Elghawaby, a d’ailleurs elle-même déjà dénoncé l’« islamophobie » des Québécois dans l’Ottawa Citizen pour avoir adopté cette loi. Selon ses dires, « la majorité des Québécois semblent influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman »2. On se demande comment cette personne, démontrant autant de préjugés à l’égard des Québécois et visiblement dans l’incapacité de comprendre l’importance de la laïcité dans le cheminement historique et social du Québec, pourrait aider à améliorer le climat ambiant et la compréhension mutuelle !

Mais revenons au poste lui-même. Il s’inscrit dans la foulée de l’adoption en 2017 de la motion 103 afin de lutter contre l’islamophobie, ainsi que dans celle du Sommet national sur l’islamophobie qui s’est tenu en juillet 2021. Encore une fois, on ne peut que se réjouir de vivre dans un État de droit qui s’engage à lutter contre la discrimination raciale et la violence motivée par la haine. Toutefois, à l’instar de la motion 103, tout comme dans le communiqué de presse diffusé à la fin du Sommet, le communiqué officiel de l’annonce du poste de Mme Elghawaby ne nous fournit aucune définition de l’islamophobie.

Tout se passe même comme si on entretenait sciemment un grand flou conceptuel caractéristique du discours militant plutôt que celui plus précis auquel s’attellent en principe les sciences humaines.

À sa lecture, on constate aussitôt que s’y trouvent enchevêtrées pêle-mêle les notions de racisme, de racisme systémique, de discrimination systémique, d’intolérance religieuse ainsi que celle, fort vague, de combat contre « la haine sous toutes ses formes ». Vaste programme !

Qu’est-ce que l’islamophobie ?

Si l’étymologie renvoie à la peur excessive, phobique (du grec « phobos »), de l’islam, l’usage confus, polémique et militant du mot semble désormais s’imposer non seulement dans l’espace public, mais également, on le voit, au cœur de nos institutions politiques canadiennes. Or, cette confusion a des effets délétères que l’on observe déjà à travers le monde. Il y a moins de deux semaines, on apprenait qu’une professeure adjointe en histoire de l’art de l’Université Hamline venait de se faire congédier pour islamophobie et racisme. Son crime ? Avoir présenté une peinture représentant Mahomet datant du XIVsiècle⁠3.

On ne peut d’ailleurs ignorer les pressions exercées par les organisations islamiques pour faire cheminer le crime d’« islamophobie », empêcher les libres penseurs et les Salman Rushdie de ce monde de s’exprimer, afin que plus personne n’« ose » critiquer l’islam.

Pensons à l’adoption, en 1990, par l’Organisation de la coopération islamique regroupant 57 pays de la Déclaration islamique des droits de l’homme qui confine la liberté d’expression à l’intérieur de la seule loi islamique et interdit toute insulte à la religion en terre d’Islam. La lutte se poursuit d’ailleurs activement auprès des instances internationales afin de criminaliser partout les « offenses » faites aux religions. Ces offenses sont désormais assimilées à de l’islamophobie non seulement par des islamistes comme le président turc Erdoğan ou l’ayatollah Khomeini, mais également par un discours militant et pseudo-antiraciste qui confond critique de la religion et racisme, ou même parfois, comme on le voit au Canada, une loi sur la laïcité avec de l’« islamophobie ».

Or, comme pour tout système de pensée, opinion, ou idéologie ou, il est permis et même souhaitable de critiquer les diverses convictions religieuses, quitte à froisser des croyants. C’est le prix de la liberté d’expression. En amalgamant ou en confondant tout, à l’instar de certains militants et islamistes qui en jouent habilement, cette nomination de représentante à la lutte contre l’islamophobie ne fait qu’encourager l’autocensure et entraver l’examen critique, le débat d’idées et, plus largement, la liberté d’expression dans l’espace public.

S’il est entièrement légitime de lutter contre le racisme et la haine des musulmans, cela ne peut se faire en confondant le respect de la personne avec le respect absolu de ses croyances, en piétinant la liberté d’expression, en insultant les Québécois et en attaquant le modèle de laïcité du Québec.

1. Lisez l’article de L’Actualité 2. Lisez le texte de Mylène Crête et Hugo Pilon-Larose dans La Presse 3. Lisez l’article du Figaro Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion