En réponse à la chronique d’Hugo Dumas, « Les ravages de Raël⁠1 », en lien avec le documentaire Les femmes de Raël d’Érika Reyburn.

La chronique « Les ravages de Raël » ainsi que le documentaire Les femmes de Raël m’ont redonné l’élan de dénoncer quelques ravages durement vécus.

J’avais 16 ans lorsque ma mère est entrée dans le mouvement raëlien. Je me souviendrai toujours du moment où elle a proclamé : « Raël est la personne la plus consciente que j’aie connue. »

Cela fait donc 27 ans que la honte m’habite. J’ai douté longtemps des valeurs de respect, d’intégrité et de conscience que ma mère m’avait inculquées étant jeune.

À mon souvenir, elle a aussi toujours soutenu les principes féministes d’indépendance, d’égalité et d’affirmation.

Bullshit, tout ça, maman ?

Que devais-je penser de mon identité, de mon appartenance et de l’amour inconditionnel d’une mère alors que j’étais adolescente à m’occuper de mon petit frère, de la maison et à ne dormir que quelques heures par nuit tellement il y avait de raëliens dans la maison s’affairant à un ouvrage au résultat nul, mais aux conséquences personnelles, familiales et sociétales dévastatrices ?

Culpabilité

S’ajoute à cela un sentiment de culpabilité. Celui de ne pas avoir tout fait pour que ma mère, une femme si intelligente, sorte d’une emprise maudite. Directement ou indirectement, j’en ai pourtant lancé, des messages, et fait plusieurs actions concrètes pour tenter de sauver ma mère de ses illusions et me sauver de ma souffrance.

Adulte, je comprends que l’être humain est fait de contradictions, que nous sommes souvent incohérents, que nous n’incarnons pas toujours nos principes à la hauteur de notre engagement. Je comprends également les concepts fondamentaux de la psychologie sociale tels que la soumission, la propagande et la manipulation. Il demeure que l’enfant en moi se pose sans cesse les mêmes questions : comment est-il possible que la dévotion d’une personne à un gourou supplante l’importance qu’elle accorde à ses liens familiaux ?

Comment est-ce possible que des policiers m’aient réveillée en pleine nuit à 17 ans parce que ma mère hébergeait un raëlien recherché par la police pour agression sexuelle sur des mineures ?

Ou que ma mère ait délibérément manqué le septième anniversaire de ma fille à besoins particuliers, dont elle était l’unique invitée, trop occupée à préparer sa participation à une réunion pour la construction de l’ambassade des Élohims ?

Comment peut-on prôner la science et la conscience et ne jamais remettre en question les fondements et le fonctionnement de l’entreprise raëlienne ? Ma mère a choisi d’investir tout son temps, sa débordante énergie et son argent dans l’oppression, le contrôle, la soumission et la dépendance. Elle dépend du mouvement raëlien pour se sentir valorisée, voire exister, et elle aura donné sa santé, son argent et son quotidien au détriment de sa vie.

L’extraordinaire maman de mon enfance est devenue la mère dépressive de mon adolescence pour finir l’endoctrinée, l’absente et l’embrouillée mère de mon âge adulte. J’ai fait le deuil de ma mère plusieurs fois, mais je m’accroche encore. Je veux croire qu’il reste une partie pure dans son cœur pour moi, pour nous. C’est là-dessus que je mise pour quelques miettes de lien avec elle.

Il va de soi que je crois sincèrement que Claude Vorilhon mérite l’enfer et qu’il est l’un des pires manipulateurs de l’histoire. Mon sentiment d’impuissance est total, mais je me dis qu’écrire saura m’apaiser et peut-être vous apaiser aussi. C’est tellement écrasant de vivre dans la honte et la culpabilité. Et puis-je ajouter la peur ? Celle d’être reniée ou méprisée parce que j’aurai écrit. Mais au moins, j’aurai écrit, en espérant élever ma conscience et celle de mes enfants. N’est-ce pas ce que je dois faire, maman ?

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