Raël ne sévit plus ici, Dieu merci. Le Prophète autoproclamé vit maintenant en exil au Japon, où il propage ses messages fumeux d’extraterrestres fondateurs de l’humanité et de méditation sensuelle.

Il reste que pendant près de 40 ans, sa secte a endoctriné des milliers de Québécois et causé des ravages épouvantables, comme le montre le captivant documentaire Les femmes de Raël, que présente Radio-Canada le samedi 14 janvier, à 22 h 30 (programmez vos enregistreurs).

Ça se regarde comme Wild Wild Country, de Netflix, L’Ordre du Temple solaire, de la plateforme Vrai, ou The Vow, sur Crave. Même qu’on en prendrait plus que 90 minutes tellement il y a de la matière glauque à touiller.

Deux courageuses et membres haut placées du mouvement y témoignent à visage découvert du traitement humiliant que réservait le gourou au petit chignon aux femmes qui finançaient et portaient son « organisation » à bout de bras.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Brigitte Boisselier et Raël

Il y a Sylvie Chabot, qui a passé 35 ans chez les raëliens et qui a été l’attachée de presse de Sa Sainteté, notamment pendant le canular du premier bébé cloné de l’humanité. Comment oublier la terrifiante scientifique Brigitte Boisselier ? Quel cauchemar.

Et il y a Martine Archambault, responsable du Centre UFOLand, là où trônait la célèbre soucoupe volante des Élohims, une dévote qui s’assurait également du « confort » de notre Capitaine Cosmos de Valcourt.

Du vin cher, de l’anguille et des sushis frais, Raël s’offrait du luxe à même les cotisations de ses fidèles, qui lui versaient 10 % de leurs revenus. Mais là où le Grand Prêtre en habit de Star Trek se gâtait le plus, c’était dans l’amour libre et l’échangisme.

Pour ne jamais manquer de compagnes potentielles, Raël a fondé une secte dans la secte, soit l’Ordre des Anges, qui ne réunissait que de jolies jeunes femmes, dont plusieurs travaillaient dans l’industrie du sexe, question de garnir, le plus vite possible, les coffres de l’organisation.

En octobre 2004, le magazine Playboy, de Hugh Hefner, auquel Raël vouait un culte maladif, a publié des photos coquines de trois raëliennes, dont Marina, fille de la présidente de la société Clonaid, Brigitte Boisselier. Le cachet de 10 000 $ US que devaient empocher les trois mannequins d’un jour a évidemment été versé au mouvement raëlien.

Au sein de l’Ordre des Anges, un système de cordon doré (100 % libre) et de plume rose (100 % exclusive) indiquait le niveau de promiscuité qu’accordait Raël à chacune de ses protégées.

Non seulement Raël contrôlait les relations sexuelles dans son royaume, mais son emprise s’étendait aussi à l’utérus de ses membres. « Si vous voulez avoir des enfants, achetez-vous un chat, on a l’humanité à sauver », répétaient les dirigeants de la secte lors de leurs séminaires.

Pour Raël, une femme avec enfants se rendait moins disponible à la Cause. À 26 ans, Sylvie Chabot a donc subi une ligature des trompes pour ne jamais tomber enceinte. Le documentaire montre aussi un extrait de conférence où Raël affirme qu’une femme qui dit non, c’est rarement un vrai non. Et il rit, et la foule rit.

On visionne Les femmes de Raël, offert également sur Tou.tv, et on se demande : comment ces gens intelligents ont-ils pu gober autant de choses farfelues et dangereuses, pendant aussi longtemps ?

L’ambassade des extraterrestres à bâtir, le centimètre carré d’os frontal qu’il faut léguer à sa mort ou les contacts télépathiques avec les Élohims, c’est gros à avaler, non ?

Sylvie et Martine, qui ont respectivement quitté les raëliens en 2017 et 2003, ont honte de s’être fait prendre. C’est humiliant, racontent-elles. La criminologue et spécialiste des sectes Marie-Andrée Pelland rappelle que les gourous comme Raël utilisent des techniques d’endoctrinement ultra-efficaces.

Ils isolent leurs victimes. Ils les empêchent de se questionner. Ils les valorisent. Et leur charisme, même si c’est dur à croire pour M. Soucoupe, aveugle les ouailles qui boivent chacune de leurs paroles, de la plus douce à la plus amère. « J’avais l’impression que j’avais Jésus en avant de moi », témoigne Sylvie Chabot en parlant de Raël, alias Claude Vorilhon.

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Brigitte Boisselier et Raël

Ne l’oublions pas, le messager des extraterrestres, qui portait alors le nom d’artiste de Claude Celler, a démarré sa carrière comme chanteur pop à la Jacques Brel à la fin des années 1960. Il a ensuite fondé un magazine de course automobile, Autopop, qui a été un autre bide. C’est en 1973, alors qu’il fait une marche en Auvergne, que notre bon Raël, qui se dit le demi-frère de Jésus, établit un premier contact avec la lumière blanche.

Au Québec, les disciplines de Raël ont pris racine sur un vaste domaine près de Valcourt, en Estrie. Ces terrains ont été vendus en 2016 et abritent aujourd’hui le Havana Resort, un camping à atmosphère de tout-inclus cubain.

Certains diront qu’il s’agit d’un autre type de secte. Sylvie et Martine vous répondraient que c’est pas mal plus facile de se déprogrammer d’une semaine de gin-tonics dans le Sud que d’une vie sous le joug d’un manipulateur narcissique.