Le 25 novembre 2022, ça ne va plus. Vous vous sentiez déjà fragile depuis quelque temps, mais là, la terreur et l’impuissance vous envahissent face à la guerre en Ukraine qui pourrait être nucléarisée. Votre discours devient confus, vous avez des gestes compulsifs, vous n’arrivez plus à vous concentrer sur quoi que ce soit.

Courageusement, vous vous présentez aux urgences. Il faut aller chercher de l’aide, nous dit-on partout. Une fois là-bas, le personnel vous isole gentiment dans un coin fermé. L’attente étant longue, vous voulez sortir marcher un peu. Verrouillé ! « Vous ne pouvez pas sortir », vous dit-on.

Stupéfait, vous constatez qu’on vous a enfermé. Comme n’importe qui, votre angoisse augmente en flèche.

Puis on vous tend un document à signer. Alarmé, vous n’arrivez pas à vous concentrer pour bien le lire. Vous voulez un peu de temps pour qu’on vous explique ce qui se passe. « Vous signez maintenant ou nous vous gardons de force 72 heures », vous répond-on.

Le choc !

Terrorisé, vous signez… et êtes interné de force 6 jours, 144 heures, en psychiatrie. Obligé de prendre « des tranquillisants, juste un somnifère ». Vous exigez de savoir ce que c’est, de connaître les effets secondaires. Pas de réponse, alors vous refusez. Tant pis, on vous l’injecte de force.

Vous voulez rentrer chez vous, mais on vous dit que vous n’avez pas le droit de partir. Paniqué, vous tentez de joindre des organismes de défense des droits en santé mentale.

Le 1er décembre, vous recevez un message qui vous informe que selon la loi P-38, l’hôpital n’a aucun droit de vous garder contre votre gré, si vous ne présentez pas de danger immédiat pour vous-même ou pour autrui (danger suicidaire ou homicidaire dans les 48 heures).

Le 1er décembre au soir, on accepte alors de vous accorder « un droit de sortie », à la condition de revenir le surlendemain. En passant, si la personne est vraiment dangereuse au point de justifier son internement, quelle est la logique de lui donner un droit de sortie1 ?

Le 2 décembre, vous vous empressez de vous renseigner davantage sur vos droits et cette loi P-38 que personne ne connaît2.

Stupéfaction ! Vous constatez qu’en pleine infraction de plusieurs articles de cette loi, non seulement on ne vous a informé de rien, mais on vous a aussi hospitalisé sans motif valable et on a fait fi de votre consentement, libre et éclairé, tant pour l’hospitalisation que pour le traitement.

Pire, on vous a menti sur vos droits, sur le traitement qu’on vous donnait (la médication est un antipsychotique et non un somnifère ou tranquillisant) et c’est sous la menace qu’on a obtenu votre signature pour une garde préventive qui ne devait pas dépasser 72 heures.

Je vous fais grâce de la suite, car le feuilleton se poursuit.

Vu la détérioration rapide de son état, oui, il fallait que ma cliente aille à l’urgence. Pour de l’aide, pas pour être emprisonnée à son insu et être abusée par maints mensonges et violations de ses droits ! Je comprends que des évènements traumatisants perpétrés par des malades nous mettent sur les dents. C’est bien pour cela que la loi P-38 est préventive. Si la personne « présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui », la sécurité l’emporte.

J’ai malheureusement entendu ce genre d’histoire trop souvent. Mais désorganisation psychique partielle n’est pas synonyme de danger mortel. Cette façon abusive et déshumanisante qu’ont les services hospitaliers de traiter les gens qui se présentent à leur urgence volontairement pour recevoir de l’aide est extrêmement contre-productive et dommageable à leur santé mentale.

De plus, un malade qui a déjà eu droit à ce genre de traitement a toutes les chances de ne plus vouloir se présenter à nouveau aux urgences au besoin et c’est bien là qu’est le vrai danger.

Si vous n’étiez pas déjà barjo avant que ça vous arrive, il y a de quoi le devenir !

1. Consultez un rapport du Protecteur du citoyen 2. Consultez la loi P-38 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion