Depuis le début du XXe siècle, plusieurs femmes ont subi des interventions altérant leurs capacités reproductives alors qu’elles étaient jeunes, en bonne santé et en mesure de mener une grossesse à terme et en toute sécurité. Dans le cadre du mouvement eugéniste, le personnel médical proposait aux femmes la ligature des trompes dès leur jeune âge, sans qu’on leur explique adéquatement en quoi consiste cette procédure ni qu’on leur demande si elles voulaient d’autres enfants et sans qu’on leur propose d’autres méthodes de contraception.

Ces histoires ne datent pas d’une autre époque, mais représentent toujours bel et bien une réalité actuelle des femmes des Premières Nations et inuit au Québec.

En 2013, des femmes autochtones en Saskatchewan ont annoncé avoir été stérilisées sous la menace et la pression de la part du personnel médical. Une action collective est en cours d’examen à cet effet. Un comité sénatorial avait alors été mis sur pied afin d’approfondir la question. À cette époque, le gouvernement du Québec a refusé d’y participer, sous prétexte que les représentants de la ministre de la Santé, Danielle McCann, étaient déjà « sensibilisés » à la question et qu’aucun cas de stérilisation imposée n’avait été dénoncé dans le cadre des témoignages de la commission Viens. Cette prétention était fausse, ce que vient de confirmer une étude menée par la professeure Suzy Basile de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pour la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador⁠1.

Déjà, en février 2019, une lettre ouverte cosignée par sept chercheurs et organismes autochtones⁠2 soulignait le manque de connaissances sur le sujet au Québec et demandait qu’une recherche plus approfondie soit menée afin de documenter le sujet des stérilisations imposées au Québec.

Le rapport de recherche dévoilé la semaine dernière⁠3 nous apprend que des femmes des Premières Nations et inuit au Québec ont été victimes de stérilisation imposée ou non consentie de manière libre et éclairée, lors de leur accouchement, par exemple.

Des patientes interrogées pour cette recherche disent également toujours éprouver de la méfiance et des craintes quant à la qualité de soins qu’elles reçoivent dans les établissements de santé, ce qui les pousse à réduire leurs contacts avec le réseau de la santé. Certaines d’entre elles n’ont pas consulté de gynécologue depuis plus de 20 ans.

Un autre constat du rapport confirme l’existence d’un traitement différentiel dans les hôpitaux à l’égard des femmes des Premières Nations ou inuit fondé sur des préjugés selon lesquels ces femmes sont des patientes problématiques et des mères négligentes. C’est ce qui s’appelle un « racisme systémique ».

Par conséquent, nous réclamons :

– l’arrêt immédiat de la stérilisation imposée ainsi que de toutes les autres formes de violences obstétricales perpétrées sur les filles et les femmes des Premières Nations et inuit au Québec ;

– nous invitons tous les acteurs concernés à prendre connaissance du rapport et à s’assurer que chaque recommandation sera mise en œuvre pour mettre fin au racisme systémique envers les femmes des Premières Nations et inuit dans le système de santé du Québec.

1. Consultez le rapport de recherche « Consentement libre et éclairé et les stérilisations imposées de femmes des Premières Nations et inuit au Québec » 2. Lisez la lettre : « Silence de Québec sur la stérilisation forcée des femmes autochtones » 3. Lisez l’article d’Ariane Lacoursière et Fanny Lévesque : « Au moins 22 cas depuis 1980, un dernier en 2019 »

* Cosignataires : Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador ; Marjolaine Siouï, directrice générale de la CSSSPNQL ; Suzy Basile, professeure, École d’études autochtones, UQAT ; Édith Picard, aînée Wendat ; grande cheffe Savanah McGregor, Conseil tribal Anishnabeg ; grande cheffe Mandy Gull-Masty, gouvernement de la Nation crie ; Marjolaine Étienne, présidente, Femmes autochtones Québec

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