Le ministre réplique à la chronique de Régis Labeaume, « Lâchez-nous avec la création d’emplois ! »1, publiée 10 novembre.

Cher Régis, on se connaît assez bien pour que je te tutoie. J’ai lu ta chronique « Lâchez-nous avec la création d’emplois ! » et je me suis senti interpellé. Toi et moi, on est connus pour notre franc-parler, alors je serai direct : tu sembles avoir manqué beaucoup de nouvelles économiques dans les dernières années.

1. Lisez la chronique de Régis Labeaume

Il est vrai que, par le passé, le gouvernement du Québec et toutes les formations politiques ont beaucoup insisté sur la création d’emplois dans leurs programmes politiques, mais n’as-tu pas remarqué que cette époque est derrière nous ? Ça fait longtemps que le gouvernement a d’autres objectifs, même si la création et l’attraction d’emplois à valeur ajoutée demeurent des buts souhaitables pour tous les États qui désirent encourager leur économie.

J’imagine que tu es au courant que la CAQ n’a pris aucun engagement quant à la création d’emplois dans la dernière campagne électorale.

À vrai dire, ta chronique aurait été à propos en 2019, avant que l’on ne commence à transformer entièrement le dispositif de développement économique du Québec.

D’abord, Investissement Québec est devenue une réelle agence de création de richesse et de développement régional. Ça fait longtemps qu’IQ s’est adaptée en cherchant les talents, les occasions d’affaires pour les entreprises québécoises et, oui, quelques investissements stratégiques, comme dans la filière batterie. J’imagine que tu considères l’attraction d’investissements privés qui se chiffreront dans les milliards dans un secteur d’avenir comme une bonne nouvelle.

Le programme ESSOR, notre programme le plus important au Ministère, a été réformé pour mieux viser la productivité et la décarbonation de notre économie. Imagine, on finance des projets qui mènent à des réductions d’emplois, pour requalifier et réaffecter la main-d’œuvre. C’est tout un changement de cap. Comme tu le sais, j’accepte toutes les invitations et j’en ai parlé sur plusieurs tribunes, mais visiblement, j’aurais dû en faire plus.

J’ai même souvent expliqué notre programme à tes nouveaux collègues des médias. Dans des échanges en 140 caractères avec un chroniqueur économique d’un journal concurrent – imagine comment il est décalé : il nous reprochait de ne pas créer assez de jobs –, j’ai répété que la mesure de notre succès économique ne devrait plus passer par la création d’emplois. Tu le sais, t’as été un habile politicien : la pédagogie, c’est la répétition.

Ne faisons pas dans la nostalgie

Sur l’énergie, tu ne sembles pas le réaliser, mais nous sommes sur la même longueur d’onde. Un des premiers gestes que j’ai posés comme nouveau ministre de l’Énergie a été de faire adopter un décret de préoccupation pour signaler à la Régie de l’énergie que nous voyons d’un très mauvais œil de réserver de la puissance à rabais pour des projets de chaînes de blocs. On veut être parcimonieux avec notre énergie renouvelable !

Sur les Innovatech, que tu idéalises comme d’autres rêvent encore aux RÉA, ne faisons pas dans la nostalgie. On est en 2022, Régis. On a une Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation tellement mieux adaptée à la réalité du Québec, saluée de tous les acteurs du milieu, inspirée des meilleures pratiques mondiales et finançant les meilleurs organismes et instituts. On parle d’un investissement de 7,5 milliards sur cinq ans ! Je m’en veux de ne pas t’avoir invité au lancement.

J’ai lu ta chronique pendant que j’étais à la COP (fascinante expérience), où personne ne m’a parlé de création d’emplois. Et je t’assure que je n’en parle à personne. Chaque entreprise, chaque partenaire ayant des objectifs ou des projets de réduction de gaz à effet de serre (GES) est préoccupé par le fait que ses projets de réduction de GES puissent être affectés par la pénurie de main-d’œuvre. L’enjeu n’est pas propre au Québec, et les solutions ne sont ni universelles ni faciles.

Bref, la prochaine fois que je m’adresserai à une chambre de commerce, je t’inviterai personnellement. J’espère que tu viendras constater par toi-même l’évolution fulgurante que l’action gouvernementale en développement économique a connue dans les dernières années.

Réponse de Régis Labeaume

Cher Pierre,

Il semble bien que tu l’aies prise personnelle cette chronique. Ménage-toi un peu mon vieux ! En toute amitié, c’est pas sain ça !

Tu es ministre et tu fais ta job, tu contre-argumentes. De bonne guerre.

Tu m’apprends que vous ne parlez plus de création d’emplois. Les jobs payantes, ça te dit quelque chose ? Faudra t’ajuster avec le discours de ton premier ministre, on y perd nos chats nous !

Pour ce qui est des centres de données, je n’ai pas compris que vous n’en vouliez plus, encore en mai dernier tu te délectais de la construction de celui de Google à Beauharnois !

Et oui, vous auriez besoin de sociétés Innovatech au Québec pour créer de nouvelles entreprises. Elles n’ont pas d’âge !

Je n’ai maintenant plus rien à défendre Pierre, sinon le plaisir de la liberté d’écrire.

Au plaisir.

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