L’homélie politique sur le développement économique au Québec n’en a toujours eu que pour la création d’emplois. En réalité, assez prêchi-prêcha, parce que les politiciens ne savaient pas vraiment comment les créer, à part Robert Bourassa avec la Baie-James.

Jusqu’à l’élection de la CAQ, le Parti libéral a toujours été celui qui accaparait la thématique, qui pissait le plus loin sur le sujet. Mais on sent maintenant que MM. Legault et Fitzgibbon veulent faire la démonstration de belles capacités viriles dans cet exercice. Ce qui est une mauvaise idée.

Le gouvernement doit penser et pratiquer le développement économique autrement pour les prochaines années, et nous lâcher les oreilles avec la création d’emplois. Même avec cette nuance de créer des jobs plus payantes, une notion bien élastique et discutable.

Nous évoluons actuellement dans un environnement économique absolument inédit, celui d’une grave pénurie de main-d’œuvre qui, statistiquement, ne se corrigera que dans une dizaine d’années.

Cette situation crée nécessairement de nouveaux paradigmes, qui exigent des gouvernements des ajustements stratégiques.

C’est ainsi que la création d’emplois ne doit plus être l’objectif poursuivi à court terme. Au contraire, la plus grande difficulté est présentement de trouver des humains pour pourvoir quasiment un million de postes vacants au pays à ce jour.

Par ailleurs, nous sommes peut-être à la veille d’une récession. Le cas échéant, est-ce que le plein-emploi amortira les effets d’un recul économique potentiel ? Les oracles patinent là-dessus.

Mais si elle ne se produit pas, cette récession, ou si on passe au travers sans trop de dommages, on retombera quand même en pénurie.

Ainsi, il faudrait profiter de ces années de grâce pour corriger des lacunes, des carences structurelles qui grèvent notre économie depuis des lustres.

La première difficulté, pour ce faire, est de convaincre le gouvernement de se prescrire un calmant, et de ne plus viser l’annonce spectaculaire sur la création d’emplois, que les élus associent au succès politique.

Un exemple : je suis un partisan d’Investissement Québec, mais pourquoi cette organisation ne s’en tient-elle pas, pour l’instant, à accompagner, investir et faire s’envoler des entreprises du Québec uniquement, au lieu de parcourir la planète pour en recruter d’autres ?

Les employeurs du Québec prennent de plus en plus en aversion l’idée de l’importation d’entreprises étrangères, qui accentuera leurs problèmes de main-d’œuvre. Et ils deviennent mauvais, croyez-en ma parole.

Et vous n’avez pas idée comment ils sont révoltés de constater l’incapacité des gouvernements à faire diligence dans le traitement des dossiers d’immigration.

Ajoutez au tout la question de la formation de la main-d’œuvre, où ils souhaiteraient de tout cœur que le ministère de l’Éducation ne touche plus à la formation professionnelle, quitte à le faire en partie en entreprise, comme en France, avec diplôme à la clé.

Et ils se demandent pourquoi, malgré les efforts déjà consentis, le gouvernement ne se donne pas une stratégie encore plus agressive, voire nucléaire, pour augmenter le nombre d’étudiants en science et en génie.

Par ailleurs, nous le savons depuis longtemps, une des tares de notre économie demeure le manque de productivité de nos entreprises. Les ministres économiques qui se succèdent, et encore dernièrement le nouvel innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, le répètent à s’étrangler. Et la situation est et deviendra encore plus dramatique avec le manque de main-d’œuvre.

On radote là-dessus depuis quelques décennies. Répétons-le, nos exportations vont bien en grande partie parce que notre dollar ne vaut pas cher, parce qu’il demeure une demi-portion. Nous vivons potentiellement sur du temps emprunté.

Alors, pourquoi on ne met pas toute la gomme là ? Corriger la situation, au lieu de se lamenter, et zigner sur le violon à répétition, sur les mêmes vieilles partitions.

Automatisation, numérisation, etc. C’est là qu’il faut s’investir, et maintenant, c’est ça qui sera payant longtemps.

Le gouvernement veut également développer l’entrepreneuriat. On se répète encore ici.

Est-ce qu’on investit suffisamment d’efforts et de fonds en démarrage d’entreprises, en accompagnement de nouveaux entrepreneurs ? Pas sûr du tout, moi. On n’a jamais remplacé les sociétés Innovatech au Québec, qui faisaient magnifiquement bien ce travail. J’y ai œuvré bénévolement pendant des années. Elles ont été abolies à l’époque par un gouvernement libéral pour des raisons pseudo-idéologiques. Ils nous ont tiré dans le pied d’aplomb !

Finalement, et oui je le sais, même en situation de plein-emploi, les dirigeants politiques doivent continuer à préparer l’avenir. Soit. Mais qu’est-ce qui serait bien avisé ?

Cette économie du futur, est-ce qu’elle ne vient pas d’un vrai projet « zéro carbone » en 2050 ? Avec toute l’activité économique qu’il pourrait générer. Pourquoi ne pas foncer, en s’assurant qu’on y va avec une stratégie qui ne fasse pas mal à nos entreprises à court et moyen terme, mais avec lesquelles on planifierait sur une période de 30 ans ou presque ? C’est faisable et responsable, ça. Non ?

Ou favoriser la seule venue d’entreprises technologiques dont on est certain que l’absence pourrait hypothéquer notre avenir économique, et dont on peut deviner la capacité d’essaimer au Québec, avec des Québécois.

A contrario, on ne doit plus inviter des entreprises étrangères à construire des centres de données énergivores chez nous. Cessons de nous exciter comme des puces quand des géants technologiques américains nous font des tatas.

Ne soyons pas naïfs, ces entreprises ne veulent que bouffer notre énergie à bon marché, et participent beaucoup trop à l’inflation des coûts de construction au Québec, surtout avec le manque de main-d’œuvre qui prévaut dans cette industrie, tout en retardant d’autres projets essentiels. On s’illusionne comme des gamins concernant leurs désirs de développer autre chose ici.

J’ai déjà géré ce genre de dossier à la mairie de Québec, ça fait tiers-monde.

Entre nous

Le leadership est une drôle de bibitte, qui ne s’évalue pas seulement à l’aune de l’intelligence et des connaissances.

Les femmes de la qualité de Dominique Anglade en politique sont rares.

Mais c’était la fatalité depuis les élections.

Merci pour l’implication, le travail et la dignité, Dominique Anglade, et bon vent pour la suite !