En réaction à la Carte blanche de Catherine Ethier, « Une petite lasagne » ⁠1, publiée dans le cahier Contexte du 23 octobre.

Chère Catherine, je réagis ici à ton texte du 23 octobre dernier, dans La Presse. Un très beau cadeau. Je m’autorise à te tutoyer, comme tu l’as fait ailleurs, pour nous, tes lecteurs. Et je m’adresse directement à toi, plutôt qu’au lectorat général.

J’ai tellement de choses à te dire, en débutant par te rassurer : je ne me collerai pas à tes basques, comme le ferait un groupie un peu trop entiché. Je sais être réservé.

Comme bien d’autres, je t’ai découverte par le truchement de tes chroniques à Radio-Canada. J’ai lu pendant quelque temps, il y a plusieurs années, la revue Urbania, mais je ne me rappelle pas t’y avoir lue. Puis, dernièrement, en furetant sur la Toile, j’ai retrouvé des vidéos de toi, en particulier celle sur « La bienveillance dans les réseaux sociaux », vidéo que je conseille à celles/ceux qui voudraient te connaître davantage. Elle te représente bien. Finalement, je viens d’achever ton livre tout neuf sur La femme extraordinaire, qui mérite bien l’engouement avec lequel il a été reçu. Je crois qu’on n’a pas fini d’être surpris par ce que tu nous apportes. Quant à ta photo qui jouxte ta lettre, j’ai dit récemment de la photo d’une proche : « La bonté ne se feint pas. » Pour la tienne : « L’authenticité ne se feint pas. »

Je ne sais pas si ça te fait plaisir, ou si ça t’ennuie, que je te dise, comme tous le font, que tu es si drôle, bien sûr, mais aussi authentique, rafraîchissante, attachante, touchante, etc. À tout évènement, j’ajoute ma voix à ce concert d’éloges ; tu en disposeras comme tu l’entendras, mais tu mérites tout ça. J’ajoute que j’adore tes mimiques, tes moues, ta gestuelle, que ta voix seule à la radio pourrait laisser deviner.

Quand apparaît comme ça, inopinément, sur la scène publique, une voix nouvelle, une autre vision de notre réalité, c’est comme une révélation.

Et, en ce qui te concerne, ton heureux amalgame d’humour, d’humeurs, de frivolités, de vérités nous enrichit tous.

J’ai des ami.e.s européen.ne.s à qui je parle de toi, tout en leur expliquant qu’il faut avoir vécu à Montréal pendant au moins 10 ans avant de pouvoir saisir toute la portée de ton contenu, même si les thèmes abordés sont ceux du quotidien de beaucoup de gens.

J’en viens, il est temps, à ta lettre. Dans mon travail, j’ai à aider des personnes à vivre avec une maladie chronique incurable. Et les rencontres débordent parfois du biologique vers le plus personnel, vers le vécu, vers comment c’est d’être ainsi affligé d’un mal qui ne cessera jamais. Et il y a de la révolte, et il y a de la détresse, et il y a des pertes successives, et il y a, parfois, envie d’en finir. C’est par là que j’ai contact avec des détresses comme celles qui t’accablent. J’ai aussi connu des collègues qui n’ont pas pu s’en sortir, peu nombreux, mais trop souvent. De même, une personne très, très proche est passée par là. Ç’eût été une douleur insupportable, déchirante, térébrante.

Au travers de ces diverses expériences, j’en viens à penser qu’il y a des personnes qui recherchent, qui appellent la mort et qui, souvent, parviennent à leurs fins, à leur fin.

Le mal de vivre l’emporte sur tout, les emporte. Je ne sens pas cela chez toi, je ne sens pas cette inévitabilité/irréductibilité. Certes, l’idée de la mort t’envahit et t’incarcère, mais, comment dire, tu la subis plus que tu ne la recherches, elle est l’intruse dont tu aimerais bien te débarrasser. Et ça, ça me rassure quant au risque d’une éventuelle fatalité.

Évidemment, ne t’en fais pas, je ne te dirai surtout pas que ça passera, que ce n’est pas grave. Fume un joint, parle à une amie, étourdis-toi ou, pour encore te citer, va baiser quelqu’un. La solution n’est pas là. On le sait bien. La douleur doit être dite, reconnue et entendue. Mais la petite lasagne pourrait aider ; c’est comme de dire : je suis là, au cas où. On a l’habitude d’interrupteurs qui amènent la clarté, l’obscurité devenant alors l’absence de lumière. On pourrait s’ingénier à bricoler un interrupteur inversé qui passerait activement de la noirceur à la lumière.

Je te dis plutôt que tu nous fais beaucoup de bien, que tu nous apaises, en mixant ainsi, comme tu le fais si bien, rires et peines. On a hâte de t’entendre à nouveau, de recevoir ta bienveillance, ta spontanéité. On arrête tout, pour bien t’entendre ; tu parles vite. Je ne veux pas te charger, en plus du reste, du bien-être de la collectivité. Mais sache que ben du monde aurait ben de la peine si tu n’étais plus là. Ça va tellement mal dans le monde, depuis bien avant la pandémie, qu’on doit se forcer pour trouver des raisons de se réjouir, de ne pas désespérer. Je n’énumèrerai pas toutes ces afflictions ; on n’en finirait jamais. Mais toi, Catherine, tu es là, ta voix nous aide à garder la tête hors de l’eau, nous réconforte, nous fait sourire, nous dit de ne pas lâcher.

Je ne doute pas que tu sois entourée de nombreuses personnes qui ne demandent pas mieux que de te secourir. Puisses-tu demander et accepter leur petite lasagne.

1. Lisez la Carte blanche de Catherine Ethier

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