Pendant la campagne électorale, François Legault a demandé aux gens du Québec de lui donner un rapport de force à la hauteur des pouvoirs qu’il cherche à rapatrier du fédéral. Le voilà maintenant avec une écrasante majorité entre les mains et je suis de ceux qui se demandent quel grand projet François voudra nous laisser en héritage pendant ces quatre prochaines années.

Que va-t-il faire de ce gigantesque pouvoir ? Il dit vouloir négocier plus d’autonomie pour le Québec, surtout pour ce qui est de la gestion de l’immigration. Mais en attendant ces pouvoirs fantasmés, les caquistes creusent toujours plus la distance qui sépare leur coalition d’une bonne partie de la population immigrante du Québec. Si la tendance se maintient, arrivera le moment où la simple évocation du nom de leur formation fera battre en retraite une grande partie des allophones, si ce n’est pas déjà fait.

Pourtant, François gagne à se rappeler que dans un pays qui ne peut se passer de l’immigration, il y a autant de risque à miser uniquement sur le vote francophone qu’à se réfugier derrière le vote allophone et anglophone, comme l’a appris à la dure le Parti libéral du Québec (PLQ). C’est triste de voir cette méfiance s’installer, car sans option indépendantiste, la CAQ avait tout pour séduire un peu plus large chez les allophones.

Dans nos sociétés plurielles, c’est la largeur du spectre des appartenances des votants qui fait la résilience et la durabilité d’une formation politique. Surtout en ces temps où la tarte se morcelle entre cinq partis au Québec.

Mais quittons ces frasques électorales et revenons à cette promesse de plafonnement du nombre d’immigrants à 50 000 par année. Un chiffre qui, selon Legault, représente le flux compatible avec notre capacité d’intégration et de francisation. Or, à peine l’écrasante majorité obtenue, voilà François qui se fait déjà envoyer par Justin Trudeau un message non codé sur ce dossier : « Sur l’immigration, il y a énormément de choses qu’on peut faire. On sait que l’immigration est une source de richesse et de croissance pour le Québec. Alors, on va continuer d’être là pour assurer qu’il y ait plus d’immigration au Québec… »

Ça, c’est du Trudeau ! Justin veut toujours continuer d’être là quand on n’a pas besoin de lui et n’est jamais là quand on l’attend. En résumé, il promet à François exactement l’inverse de ce que François a promis au peuple québécois. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui s’attendait à ce qu’il accueille François à bras ouverts ? Après tout, aux dernières élections fédérales, fort de sa grande popularité, François ne s’était pas gêné pour dire à ceux qui l’écoutent de voter pour Erin O’Toole. Chose que les libéraux ruminent probablement encore.

Maintenant que François bombe le torse avec ses 90 députés, Justin a décidé de couper court à ses ambitions et de jeter une douche glaciale sur ses projets de négociation avec Ottawa. Une fin de non-recevoir qui ne se limitera certainement pas à l’immigration.

Je cherchais à visualiser cette relation à venir entre un François à la majorité écrasante et un Justin coalisé pour survivre et c’est malgré tout l’image du papa qui ne veut pas passer son char à son fils qui me vient en tête. François a promis une balade en char, mais il doit demander les clés à papa. Or, surprise, papa dit toujours non ! Ainsi va aussi le Canada. Gageons que les portes fermées ne se limiteront pas au seul dossier de l’immigration. Par exemple, pour son troisième lien, qu’espère François devant Trudeau et son jumeau politique Jagmeet Singh qui sont devenus si proches que je me demande ce qui les empêche de fusionner ? Qu’espère-t-il sur ce dossier déjà décrié par le Nouveau Parti démocratique (NPD) ?

Lorsque François essayera de convaincre le gouvernement Trudeau de creuser entre Québec et Lévis, les choses vont probablement se corser aussi. Par la bouche du général GES, alias Steven Guilbeault, Ottawa a déjà confirmé son intention de soumettre le projet à l’analyse de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC). Rappelons qu’à la fin juin 2021, le gouvernement de Justin Trudeau a rejeté de cette façon le projet de terminal de conteneurs Laurentia du port de Québec. Une initiative qui avait reçu un avis défavorable de l’AEIC. Advenant un scénario semblable dans le cas du troisième lien, est-ce que François va fermer les yeux et procéder quand même ? À suivre.

Tout ça pour dire que malgré sa maigrichonne députation, Paul St-Pierre Plamondon aura beaucoup de viande dans sa gibecière pendant ce deuxième mandat. Devant les nombreuses fermetures du fédéral aux plaidoyers caquistes, il aura de multiples occasions de rappeler aux Québécois qu’ils peuvent s’acheter une voiture. Mais arrivera-t-il à dissiper un peu plus cette peur de se ramasser avec une minoune, qui est encore largement présente dans la population ? On verra. En attendant, la politique demeure encore cet art qui consiste à promettre des nuages aux électeurs et, une fois élu, leur expliquer qu’on n’a finalement pas d’échelle suffisamment longue pour aller à la cueillette aux cumulonimbus.

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