Experts invités pour la durée de la campagne électorale, les professeurs Stéphanie Yates et Thierry Giasson commentent les résultats des élections.

Une confiance réitérée

Lendemains difficiles pour les quatre partis d’opposition, particulièrement pour le Parti québécois, dont le chef avait pourtant fait une campagne différente et positive, acclamée par plusieurs. Le bilan sera douloureux et le parti aura besoin de temps pour se reconstruire.

Le statu quo de Québec solidaire est aussi sans doute difficile à accepter dans le contexte où le parti se positionnait comme la future opposition officielle, d’autant plus que la formation accuse des reculs en région : les « taxes orange » auront fait mal. Le parti a maintenant quatre ans pour convaincre les électeurs de l’ampleur des mesures à prendre pour faire face à la crise climatique.

Le Parti libéral du Québec s’en tire mieux, une bonne nouvelle pour la cheffe, qui devrait être en mesure de tempérer les ardeurs des personnes qui convoitaient déjà son poste. Un répit mérité après une campagne marquée par la résilience de Mme Anglade, malgré des débuts laborieux.

Avec un score semblable à celui du PLQ en pourcentage, le Parti conservateur du Québec termine cette campagne bredouille. Les sympathisants d’Éric Duhaime auront tôt fait de rappeler que les discussions autour du mode de scrutin ne sont pas réservées aux intellectuels, contrairement à ce que soutient François Legault.

Sur le plan démocratique, le fait que près de 15 % de l’électorat ne soit pas représenté à l’Assemblée nationale est inquiétant : faute d’une place au Parlement, ces électeurs risquent de continuer à investir la rue tout en se détournant — et en se méfiant encore davantage – des institutions politiques.

François Legault, enfin, se voit récompensé pour sa gestion considérée comme efficace de la pandémie. Les électeurs auront ainsi choisi de le laisser « continuer ». Or, devant la victoire écrasante de la Coalition avenir Québec (CAQ), il devra savoir rester modeste, en se rappelant qu’une plus grande proportion d’électeurs ont voté pour l’un ou l’autre des partis d’opposition.

Le fait que la CAQ soit pratiquement absente de l’île de Montréal — à l’exception de la circonscription de Pointe-aux-Trembles, dans l’est de Montréal — est également problématique, traduisant une polarisation de l’électorat fondée sur un clivage entre la métropole et les régions. Un travail de fond devra donc être fait par le premier ministre réélu afin de gagner la confiance des Montréalais, la métropole demeurant le cœur économique du Québec.

La réélection de la CAQ à l’issue de 36 jours de campagne fera dire aux plus cyniques qu’il était vain d’investir 115 millions dans ce rendez-vous électoral pour en arriver à un résultat prévisible. Or, rappelons que cette campagne a été particulièrement riche en contenu, permettant aux électeurs de réfléchir aux enjeux auxquels fait face le Québec, et aux différentes avenues envisagées pour y faire face.

À l’heure où les conflits mondiaux font réaliser que la démocratie n’est pas à la portée de tous, considérons-nous comme choyés d’avoir pu assister à ce moment fort de notre vivre-ensemble.

Des campagnes qui comptent

Les études électorales se questionnent depuis des années sur l’impact des facteurs de court terme sur le choix des électeurs. Ces facteurs sont liés au déroulement de la campagne, de l’impact de la communication à l’évaluation que font les électeurs du leadership des chefs de partis. Le verdict sur la question a évolué.

Longtemps, la recherche posait que le vote soit déterminé par des facteurs de long terme qui se développent par nos relations sociales et s’installent en nous tôt dans la vie, tels que l’identité partisane ou l’ancrage idéologique. Plus l’identité partisane d’un électeur est constante et cohérente (on dira qu’elle est ferme) à travers le temps, moins la campagne électorale a de probabilité d’agir sur sa prise de décision. La fermeté de l’identité partisane serait le premier facteur déterminant le vote.

Pendant de nombreuses années, où la grande majorité des électeurs votait, de génération en génération, pour les mêmes partis, on a avancé que les campagnes avaient peu d’effet sur leur choix. Toutefois, depuis 30 ans, les affiliations partisanes se fragilisent chez nous. Le système partisan s’est reconstitué, de nouveaux partis gagnent en popularité et sont portés au pouvoir, comme la CAQ en 2018.

Les électeurs sont moins fidèles envers les partis, préférant offrir leur vote aux formations qui leur proposent des engagements électoraux moins idéologiques et davantage arrimés à leurs attentes.

Dans ce contexte d’un électorat plus flexible, les campagnes deviennent déterminantes. Et la campagne que nous venons de vivre en est un bel exemple. Malgré les déclarations maladroites du premier ministre sur l’immigration, la CAQ a mené une campagne collée sur son message taillé sur mesure pour des électeurs bien précis.

Parallèlement, les chefs des partis de l’opposition ont aussi mené, pour l’essentiel, des campagnes disciplinées où leurs personnalités étaient habilement associées aux promesses électorales de leur formation : Anglade et l’apport positif de l’immigration, St-Pierre Plamondon et la dignité du projet indépendantiste, Nadeau-Dubois et l’angoisse d’un jeune père face à la crise climatique, et Duhaime et la défense des libertés individuelles.

Sur la défensive, le premier ministre a lutté pour imposer ses engagements au cours de la campagne. Néanmoins, son récit était clair dès le début : ça va bien, continuons !

Ce message a convaincu les électeurs de lui renouveler leur confiance. La super majorité de plus de 100 sièges que certaines projections vouaient à la CAQ s’est presque manifestée, conséquence de notre système électoral.

À l’inverse, notre mode de scrutin a plombé les partis de l’opposition. Trois formations ont sauvé leur peau, mais des réflexions postélectorales difficiles attendent le PLQ, QS et le PCQ. Le PQ est toujours vivant, mais à trois députés, les défis qui viennent seront durs à relever. Pour ces partis, l’élection de 2022 aura-t-elle servi à jeter les bases pour 2026 ?

Quoi qu’il en soit, la CAQ obtient, face à cette opposition diminuée et fragmentée, un second mandat incontestable. La continuité et le bilan du gouvernement auront eu raison du goût du changement. Ce pourrait être différent dans quatre ans.

Plusieurs nouveaux élus de tous les partis feront leur entrée au Parlement. Souhaitons-nous qu’ils gouvernent pour nous tous, qu’ils dépassent les intérêts trop partisans et qu’ils soient portés par une volonté constante de défendre le bien commun de tous les Québécois.

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