Experts invités pour la durée de la campagne électorale, les professeurs Stéphanie Yates et Thierry Giasson se prononcent chaque samedi sur cinq des principaux thèmes de la semaine.

L’engagement de la semaine

Fonderie Horne : quelle responsabilité pour le premier ministre ?

Les débats autour des niveaux d’arsenic dans l’air à Rouyn-Noranda montrent clairement qu’en 2022, on n’accepte plus, comme société, de subir les préjudices sanitaires d’une multinationale peu scrupuleuse sur le plan environnemental. Mais est-ce vraiment aux citoyens de Rouyn de choisir entre la santé de leurs enfants et leur chèque de paie ? Un cruel dilemme ! Un premier ministre responsable n’a pas plutôt pour rôle de mieux accompagner les populations touchées ? Cela peut être fait, à court terme, en imposant à l’entreprise des normes qui se rapprochent des standards internationaux. Et à plus long terme, en stimulant les réflexions autour des occasions alternatives de développement économique pour la région, respectueuses des aspirations citoyennes.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Une bien relative égalité

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Cohérent avec son positionnement de droite qui veut imposer un État minceur, Éric Duhaime a proposé mercredi de limiter la taille des cabinets ministériels à 20 ministres. Pour y arriver, il propose par exemple d’éliminer les ministres délégués ou de réunir les compétences en matière de lutte contre les inégalités, dont celles du Secrétariat à la condition féminine, au sein d’un nouveau ministère de l’Égalité. M. Duhaime estime que le Québec a cheminé depuis 50 ans et qu’il est maintenant temps de célébrer l’égalité atteinte entre les Québécois et les Québécoises. Mais lors du même point de presse, sans voir la contradiction manifeste avec ses affirmations précédentes, le chef conservateur refuse de s’engager à constituer un conseil des ministres paritaire. Ainsi, contrairement à l’égalité que le chef conservateur dit constater entre les hommes et les femmes au Québec, il semblerait que la reconnaissance de l’égalité des compétences des candidates du Parti conservateur du Québec avec celles de leurs collègues masculins ne soit pas encore atteinte au sein du parti. Malaise.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le moment mémorable

Un appel du cœur

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

On a beaucoup parlé de la campagne différente de Paul St-Pierre Plamondon, qui se démarque par son approche positive et authentique. Il en a offert une illustration éloquente lors de son passage à Tout le monde en parle dimanche dernier, réclamant un mandat pour former une opposition forte et constructive face à un François Legault qui risque d’obtenir des « pouvoirs absolus » à l’issue du vote. Cette candeur momentanée — il est rare qu’un chef admette que ses chances de prendre le pouvoir sont nulles – pourrait être payante dans le contexte où le chef du Parti québécois représente le deuxième choix d’une importante tranche de l’électorat.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Dérapage solidaire contrôlé

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

L’ex-candidate solidaire dans Camille-Laurin, Marie-Eve Rancourt

Alors que Québec solidaire (QS) se dirigeait vers un sans-faute en termes d’organisation et de communication électorale, voilà qu’une caméra de surveillance surprend la candidate du parti dans la circonscription montréalaise de Camille-Laurin, Marie-Eve Rancourt, « la main dans la boîte aux lettres », retirant un dépliant du Parti québécois pour y déposer le sien. Le geste est illégal et place vite QS sur la défensive. Néanmoins, afin de ne pas voir la fin de la campagne solidaire déraper et pour vite étouffer la crise, la direction de QS réagit rapidement et largue sa candidate. Le retrait de cette candidature pourrait rebrasser les cartes dans la circonscription et donner une chance additionnelle au chef péquiste, qui s’y porte candidat, de peut-être remporter l’élection. Verdict lundi soir.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

Le leader en action

Un véritable modèle de résilience

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

Malgré une campagne difficile et des sondages qui prédisent un résultat décevant — voire catastrophique — pour le Parti libéral du Québec, Dominique Anglade a su conserver sa fougue, sa détermination, son optimisme et sa bonne humeur au fil des cinq dernières semaines. La vidéo d’elle dansant au son des Black Eyed Peas juste avant le débat de Radio-Canada, devenue virale sur les médias sociaux, montre une cheffe capable de s’amuser (et peut-être de relativiser ?) dans l’adversité. Au-delà des affiliations partisanes, elle offre le modèle d’une femme forte et résolue, férocement intelligente et surtout, résiliente.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Des chefs qui assurent

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire
de Québec solidaire

Gabriel Nadeau-Dubois, Paul St-Pierre Plamondon et Dominique Anglade ont assuré un leadership efficace face aux soubresauts qu’ont connus leurs campagnes cette semaine. Les deux premiers ont été fermes et rapides à réagir face aux comportements problématiques de leurs candidats ou militants qui ont subtilisé le matériel promotionnel de leurs adversaires ou tenu des propos dégradants envers les musulmans. Pas question pour eux de voir cela plomber leur campagne. Des excuses ou la porte pour les contrevenants et la campagne continue !

Et puis, jeudi, alors qu’une vidéo négative provenant du camp libéral et dénonçant les déclarations de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur l’immigration se met à circuler, Dominique Anglade ne se défile pas et dit approuver pleinement le contenu du message, qui reprend plusieurs citations directes de François Legault qui ont marqué la campagne. La « vraie Dominique », la fille d’immigrants, se tient debout et poursuit son offensive contre la CAQ sur les questions identitaires. Solide !

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’étoile montante/filante

Le courage des candidats

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Pancarte du candidat libéral dans Marquette, Enrico Ciccone, dont le bureau de circonscription a été cambriolé et vandalisé en début de campagne électorale

Difficile de passer à côté des propos outranciers de Jean Boulet sur les immigrants, perpétuant de malheureux stéréotypes tout à fait indignes de sa fonction de ministre sortant de l’Immigration. Mais en cette fin de campagne, soyons plutôt positifs en applaudissant toutes les personnes qui se sont portées candidates, particulièrement celles qui l’ont fait sans chance réelle de l’emporter. C’est certainement très courageux de s’afficher ainsi (littéralement !), d’essuyer les injures, voire les menaces (hélas), de parfois tenter de défendre l’indéfendable, et surtout, de mettre sa vie de côté pendant cinq semaines. Au-delà du coup de publicité susceptible de propulser la carrière de ces têtes d’affiche, se présenter en politique témoigne d’un profond engagement envers notre démocratie, et on ne peut qu’être reconnaissants envers celles et ceux qui incarnent cet idéal.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

Le boulet…

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jean Boulet, ministre sortant de l’Immigration

Un ministre du Travail et de l’Immigration qui ment sur les niveaux de francisation et d’emploi des immigrants pendant un débat, c’est inexcusable et ça le discrédite complètement. Pour des raisons électoralistes ou pour faire de l’esbroufe pendant un débat, le ministre Jean Boulet, candidat à sa réélection dans Trois-Rivières, a porté ombrage à la campagne de son parti, qui accumule déjà les déclarations maladroites et insensibles sur l’enjeu de l’immigration depuis le début de la campagne. Le premier ministre François Legault a annoncé qu’il s’est disqualifié comme ministre de l’Immigration. La faute paraît à ce point grave qu’il pourrait s’être tout simplement disqualifié du prochain conseil des ministres si la CAQ est reportée au pouvoir lundi.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

L’image qui vaut 1000 mots

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

L’ex-candidate de Québec solidaire dans Camille-Laurin, Marie-Eve Rancourt, a été filmée par une caméra de sécurité d’une maison, alors qu’elle retirait d’une boîte aux lettres un dépliant du Parti québécois pour le remplacer par le sien.

La candidate de Québec solidaire Marie-Eve Rancourt a durement appris cette semaine qu’en cette ère de surveillance généralisée, on pouvait facilement se faire prendre la main dans le sac (ou dans la boîte aux lettres, dans le cas qui nous occupe). Même si on peut penser que la pratique de subtiliser les tracts des autres partis est chose relativement courante (d’ailleurs, un bénévole du Parti québécois s’est aussi fait prendre en flagrant délit pour une faute semblable), la preuve en image de ce manque de franc-jeu a été sans appel : la candidate de Québec solidaire dans Camille-Laurin a dû se retirer de la course. Une chance inouïe pour Paul St-Pierre Plamondon, dont l’élection dans cette même circonscription, jusqu’ici loin d’être assurée, vient tout à coup de devenir une ambition à portée de main.

Stéphanie Yates, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM

« Scriptée par la CAQ »

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DE TWITTER

Image d’une publicité diffusée par le député libéral Monsef Derraji sur les réseaux sociaux attaquant la CAQ sur l’enjeu de l’immigration

La publicité change habituellement de ton à la toute fin des campagnes électorales afin de stimuler des émotions positives ou négatives chez les derniers électeurs indécis. À quelques jours du vote, les libéraux donnent dans la publicité négative en lançant sur les médias sociaux un message de plus de deux minutes qui attaque habilement la Coalition avenir Québec (CAQ) sur l’enjeu de l’immigration. L’objectif de ce message est sans doute de soulever chez les électeurs qui hésitent entre un vote pour le PLQ et la CAQ de l’indignation, de la peur ou de la colère face aux nombreuses déclarations maladroites du parti sur l’immigration pendant la campagne. Cette compilation troublante pourrait bien faire mouche auprès d’électeurs issus de l’immigration, entre autres, qui songent à appuyer la CAQ.

Thierry Giasson, professeur titulaire au département de science politique, Université Laval

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