Les Canadiens sont prêts à passer aux véhicules électriques, mais les multinationales automobiles ralentissent la transition.

Représentant le quart de nos émissions annuelles, le secteur des transports est la deuxième source de pollution au Canada. Or, si le Canada veut atteindre ses objectifs climatiques, 100 % de tous les nouveaux véhicules vendus devront être électriques d’ici 2035.

Cette cible a été confirmée par le Canada dans une déclaration commune lors de la COP26 à Glasgow. L’heure est venue de mettre en place les mesures politiques nécessaires pour assurer une transition rapide de l’industrie automobile vers cet objectif.

Les constructeurs automobiles adorent s’engager publiquement à passer aux véhicules zéro émission (VZE), car cela fait grimper le cours de leurs actions. Mais dans les coulisses, ils luttent contre les règlements qui les obligeraient à respecter leurs engagements climatiques à travers leurs associations.

Bref, bien que les Canadiens soient prêts à prendre le virage vers les VZE, ce sont les constructeurs automobiles qui les en empêchent.

Selon un récent sondage d’Abacus Data commandé par Environmental Defence, Équiterre, Ecology Action Centre et la Fondation David Suzuki, 70 % des Canadiens ont indiqué que les longs délais d’attente les décourageaient à acheter un VZE.

Les Canadiens veulent se procurer des véhicules électriques, mais n’arrivent tout simplement pas à mettre la main dessus. L’année dernière encore, la majorité des concessionnaires automobiles canadiens (55 %) ont déclaré ne pas avoir un seul véhicule électrique en stock, et près des deux tiers (64 %) des concessionnaires ont fait état de délais d’attente de trois à six mois pour les commandes d’un véhicule électrique.

Ces temps d’attente ont empiré depuis l’importante augmentation du prix de l’essence et les rapports indiquent maintenant que les listes d’attente se prolongent jusqu’à trois ans.

Stratégie fédérale

Heureusement, le gouvernement du Canada a une stratégie pour respecter ses objectifs de vente de véhicules zéro émission et résoudre ce problème d’approvisionnement. Il compte adopter une réglementation appelée « norme sur les véhicules zéro émission » (communément appelée « norme VZE »).

Cette norme fixe des cibles claires de ventes de véhicules électriques et pénalise les constructeurs automobiles qui ne parviennent pas à les atteindre ou, autrement dit, à réorienter leurs plans d’affaires vers un avenir sans émission suffisamment rapidement.

Le gouvernement fédéral n’est pas le premier à adopter cette stratégie : le Québec, la Colombie-Britannique, la Californie et 15 États américains ont tous mis en place ce type de réglementation, et le Royaume-Uni fera de même à partir de 2024.

Selon le même sondage d’Abacus Data, la majorité des Canadiens (58 %) appuient ce plan et souhaitent que le gouvernement fédéral intervienne en imposant des pénalités financières aux constructeurs automobiles qui n’atteignent pas les cibles de ventes fixées.

Pour atteindre ces quotas, les constructeurs peuvent augmenter leurs investissements dans la production de VZE, en dépensant davantage en recherche et développement ou encore baisser directement les prix des VZE, mais cette dernière option impliquerait une réduction de leurs profits. Les Canadiens appuient massivement ces conséquences de l’adoption d’une norme VZE : 83 % des gens appuient l’augmentation des investissements et 84 % des gens appuient un accès plus équitable aux VZE à travers le Canada. Enfin, 84 % et 86 % des gens appuient une baisse des prix.

Les profits sont au cœur du débat sur la voie à suivre pour atteindre la cible de 2035. À l’heure actuelle, les constructeurs automobiles fixent leurs prix et allouent leurs investissements en réfléchissant à ce qui leur rapporte le plus : les véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes dont la marge de profit est plus élevée. Ces véhicules sont pourtant néfastes d’un point de vue énergétique.

Les constructeurs automobiles préfèrent vendre un véhicule énergivore plutôt qu’une voiture électrique, car ils gagnent plus d’argent de cette façon.

Par ailleurs, le lobby automobile s’oppose activement à l’adoption d’une norme VZE, car cela perturberait ses plans d’affaires visant à maximiser ses profits.

Il est clair que les Canadiens se soucient davantage de l’avenir de la planète que des résultats financiers des multinationales du secteur automobile. Selon le même sondage Abacus, 74 % des Canadiens pensent que les constructeurs ont la responsabilité d’orienter leur production vers les véhicules zéro émission et de délaisser les véhicules à essence, même si cela implique une réduction de leurs profits en cours de route.

Il est juste de demander que les pollueurs paient leur juste part dans la transition vers une économie propre. Ils peuvent certainement se le permettre. L’année dernière, le « Big Three » du secteur automobile nord-américain, soit Ford, Stellantis et General Motors, a réalisé collectivement 41,5 milliards de dollars de profits d’exploitation.

General Motors a même annoncé récemment qu’elle allait racheter 5 milliards de dollars de ses propres actions et augmenter ses dividendes au lieu d’accélérer les investissements dans les VZE.

Quant aux constructeurs étrangers, Toyota et Volkswagen ont respectivement réalisé des profits de 25,1 milliards de dollars et 27 milliards de dollars.

Le gouvernement fédéral ne doit pas retarder l’adoption d’une norme VZE ni céder à la pression des lobbyistes de l’industrie automobile qui veulent que le plan soit abandonné. Il faut leur tenir tête comme le Québec et la Colombie-Britannique l’ont fait. Nous ne pouvons pas laisser la cupidité de l’industrie automobile s’interposer entre nous et un avenir durable.

* Cosignataires : Thomas Arnason McNeil, coordonnateur des politiques climatiques chez Ecology Action Centre ; Nate Wallace, gestionnaire du programme de transport propre chez Environmental Defence

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