Depuis les dernières années, les effets du dérèglement climatique sont évidents et ils deviendront de plus en plus dramatiques si nous ne nous y attaquons pas. Pourtant, les citoyens comme les gouvernements semblent se comporter comme si le problème était accessoire. Comment s’attaquer au problème ?

En quoi le réchauffement climatique pose-t-il problème ?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit une augmentation en fréquence, en durée et en intensité des précipitations, des vagues de chaleur, des sécheresses et des ouragans. Ces phénomènes provoqueront davantage de crues, d’incendies de forêt, de baisses du rendement agricole, de morts par hyperthermie et, à terme, de famines et d'épidémies. Ils causent déjà des déplacements de population.

Alors que nous ne sommes qu’à 1,1 °C de réchauffement depuis 1850, de nombreuses catastrophes se produisent déjà régulièrement. Quelques exemples : en 2021, Statistique Canada a annoncé une baisse de 40 % des rendements agricoles à cause de la sécheresse⁠1 ; en Europe, cette année, la sécheresse a provoqué des incendies de forêt d’une intensité jamais atteinte auparavant ; dans la province chinoise du Sichuan, le manque d’eau a un impact sur la production électrique des barrages ; le Pakistan a connu les pires inondations de son histoire…

Il n’y aura pas de cataclysme mondial soudain et il n’y a pas de température avant laquelle tout va bien et après laquelle tout ira mal. Mais si nous continuons de traîner, les ennuis vont continuer de s’aggraver et d’affecter de plus en plus de gens, dans de plus en plus d’endroits, jusqu’à mettre en péril la stabilité économique et la paix mondiale.

Pourquoi agir maintenant ?

Le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 à 45 % en 2030 par rapport à 2005 et à atteindre la carboneutralité en 2050 dans le cadre des accords de Paris, dont le but est de limiter le réchauffement climatique global entre 1,5 °C et 2 °C. Or, le retard accumulé nous impose de les réduire de 6 % chaque année à partir de maintenant pendant 28 ans. Plus nous différerons cet effort, plus cette diminution déjà draconienne devra l’être davantage.

Aussi, même si l’on cessait d’émettre des GES d’un coup, certains impacts du réchauffement ne commenceraient à s’estomper qu’après plusieurs décennies et d’autres, comme la montée des eaux, dureraient plusieurs siècles.

Il n’y a donc pas de retour en arrière possible pour le climat sur les échelles de temps qui nous concernent. Si on attend que les conditions climatiques soient insupportables pour agir, il sera trop tard pour conserver une planète habitable.

Sur un autre plan, l’inaction des autorités perçue par les jeunes affecte leur santé mentale⁠2.

Un projet de société

En avril dernier, La Presse révélait que les moyens pris par le gouvernement caquiste ne limiteraient cette réduction qu’à seulement 13 % d’ici 2030. En juillet, Steven Guilbeault reconnaissait que le gouvernement canadien envisageait de repousser les objectifs de réduction de l’industrie pétrolière. Aucune de ces annonces n’a fait scandale… Et pour cause, seulement 39 % de la population canadienne se dit intéressée par les informations concernant les changements climatiques. Face à un problème si grave, le manque d’engagement collectif est stupéfiant. Il est urgent de rectifier le tir !

Alors par où commencer ?

L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques concernent tout le monde et doivent devenir un projet de société.

Pour que les entreprises et les citoyens réduisent leur empreinte efficacement, que les gouvernements jouent leur rôle de chef d’orchestre comme ils le devraient et que la presse remplisse son rôle de garde-fou, une compréhension fine et systémique du problème est indispensable.

Il faut donc que chaque acteur s’informe et se forme selon son rôle.

Voici quelques moyens simples : en participant à un atelier de la Fresque du Climat ou en regardant les chaînes YouTube de LIMIT, du Réveilleur ou de Jean-Marc Jancovici. On peut aussi lire les rapports du GIEC, à commencer par les « résumés pour décideurs » ⁠3, les publications de Valérie Masson-Delmotte, de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, de l’Institut de l’énergie Trottier, entre autres… Par ailleurs, certaines entreprises proposent aussi des formations.

À l’école et à l’université, il faut des programmes qui couvrent les changements climatiques en profondeur tout en encourageant les étudiants à faire partie du remède. Ces cours doivent former les futurs citoyens à élaborer des solutions propres à leur domaine d’intérêt tout en tenant compte des interactions entre les secteurs.

Annoncé depuis les années 1970, le dérèglement climatique est maintenant une évidence. Aujourd’hui 1,1 °C, demain 2 °C voire 3 °C ; il faut agir dès maintenant, ensemble, intelligemment, et cela passe d’abord par une compréhension du phénomène ; surtout si, pour certains, les solutions ressemblent à des punitions.

En fin de compte, la menace climatique ne nous appelle-t-elle pas à rééquilibrer nos valeurs ?

1. Consultez le document de Statistique Canada 2. Consultez l’étude parue dans The Lancet (en anglais) 3. Consultez le résumé pour décideurs du GIEC (en anglais)

* Cosignataires : Pierre-Olivier Pineau, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal ; Aloïs Gallet, co-fondateur d’EcoNova Education, conseiller des Français de l’étranger, Vancouver ; Benoît Waeckel, animateur et formateur de la Fresque du Climat et membre des Shifters Montréal ; Camille Defoly, co-référente et animatrice de la Fresque du Climat au Québec ; Jean-François Boisvert, Coalition climat Montréal ; Philippe Gauthier, consultant en redirection écologique

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