La chronique de Marie-France Bazzo sur l’immigration publiée le 13 septembre, « Legault, mon père et la violence⁠1 », a inspiré à l’auteure issue d’une famille immigrante italo-tunisienne française ce témoignage.

Je suis issue d’une famille immigrante italo-tunisienne française. En 1964, de Marseille, mes parents et leurs quatre enfants ont immigré une première fois au Québec. L’intégration s’est soldée par un cuisant échec, ressenti par ma mère. L’isolement et les programmes sociaux déficients y ont notamment contribué.

Aussi, à cette époque, le système scolaire et son emprise sur la religion, omniprésente à l’école, furent marquants. En plus, nous avons souffert de paroles blessantes dont seuls les enfants sont capables, en lien avec notre nom à consonance italienne. Les non-dits furent à l’avenant.

Si les Italiens ont jadis subi l’ostracisme, les Français, certains à cause de leur attitude, se faisaient taxer de « maudits Français ». Nous avons écopé des deux ! Jusqu’ici, je rejoins presque Mme Bazzo.

L’ultime point qui a sonné le glas : la rigueur de l’hiver. Ma mère avait atteint son quota.

Au grand dam de mon père, au printemps 1965, elle retourna en France avec les quatre enfants ; mon père suivit plusieurs mois plus tard.

Au début des années 1960, le Québec n’était pas sorti de sa torpeur. Les premiers balbutiements de la Révolution tranquille émergeaient.

Deuxième essai

De retour en France, mon père, fou du Québec, n’a jamais lâché prise. Il suivait l’évolution du Québec, alors que la France subissait de graves problèmes sociaux. Il réussit à convaincre ma mère d’y revenir. En 1970, nous débarquions à nouveau à Montréal.

Le contraste était frappant. Le Québec entamait une métamorphose socioéconomique grâce, entre autres, à une avalanche de réformes. La période post-Expo 67 avait apporté un afflux d’immigration francophone enrichissante. Le Québec s’est ouvert sur le monde ; le monde s’est ouvert au Québec. Nous avons donc trouvé une société moderne et accueillante. Certes, nous avions un atout, la langue commune, le français.

J’arrive au présent avec la campagne électorale et la phrase maladroite de M. Legault sur les « violents », dans son contexte. Les mots utilisés sont maladroits, mais je comprends les préoccupations du premier ministre. Accueillir « en masse » des immigrants, comme le projette le gouvernement fédéral, n’augure rien de bon.

Depuis quelques décennies, les nouveaux arrivants adoptent davantage l’anglais. Le multiculturalisme crée des tensions. Il n’invite pas au vivre-ensemble, incitant plutôt à aller vers un chacun-sa-culture-et-ses-valeurs et à revendiquer.

Immigrer constitue un choc ; on doit accepter de perdre certains repères. S’intégrer signifie apprendre la langue de la société d’accueil. C’est un outil et un point de départ ; il faut aller au-delà. S’intégrer signifie développer un intérêt et respecter la culture, les valeurs et la dynamique de cette société. Ça ne signifie pas de se renier ; c’est AJOUTER à ce que nous sommes et partager son vécu.

Je suis en désaccord avec les propos de Mme Bazzo sur le désamour des Québécois envers eux-mêmes et leur langue, leur doute maladif, la méfiance envers l’Autre, ainsi que l’intention du premier ministre de braquer certains électeurs contre les immigrants.

L’époque à laquelle le père de Mme Bazzo a immigré est révolue. La société québécoise n’est pas parfaite. Quelle société l’est ? Il est résolument clair que les Québécois se sont affranchis : ils ont pris en main leur destinée socioéconomique. Ils ont trouvé leur voie et forgé leur propre culture dans la francophonie nord-américaine. Depuis belle lurette, ils ont évacué l’esprit méprisant de Lord Durham.

Doit-on s’améliorer ? Sûrement. Chacun porte une responsabilité. Les Québécois enclins à maltraiter leur langue et à utiliser l’anglais à outrance doivent se ressaisir et donner l’exemple. L’immigration constitue une richesse qui dépasse le facteur économique. Le gouvernement doit faire plus pour les aider à s’intégrer. Il est toutefois impératif que l’ouverture soit réciproque. Je ne nourris aucun doute à l’égard des Québécois. Le Québec a été bon pour ma famille, pour moi. Il n’a cessé de l’être.

Les Québécois démontrent depuis longtemps leur humanité et leur sensibilité envers l’Autre. J’ai confiance.

1. Lisez la chronique de Marie-France Bazzo Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion