Les abeilles ont longtemps été source de mystère pour les humains. L’humanité a toujours été impressionnée par cette société « dirigée » par une reine et dont les ouvrières sortent travailler et reviennent à la maison avec la récolte.

Confrontés à ces insectes très évolués, les humains ont d’abord pensé qu’ils étaient sous la gouverne d’un roi. Quelle déception quand ils ont découvert que c’est une femelle qui était au centre de toute cette organisation !

Ensuite, ils ont pensé que la reine était défendue par les soldats mâles. Quelle autre déception quand ils ont découvert que ce sont les ouvrières armées qui, telles des amazones, assurent aussi la défense de la colonie. Évidemment, il fallait à la phallocratie scientifique d’une certaine époque trouver une place de choix pour les mâles abeilles, appelés aussi des faux bourdons. À quoi servaient ces gros individus incapables de se battre et qui n’ont pas la langue suffisamment longue pour butiner ? La nature ne pouvait pas être aussi injuste avec des mâles. Il restait quand même la reproduction comme porte de sortie. On imagina alors que les mâles abeilles passaient leur temps à féconder la reine avec des substances spermatiques magiques. Même pas besoin de la toucher, il fallait qu’ils soient des bêtes de sexe sans pareil se consacrant à satisfaire une souveraine qui devait pondre 2000 bébés potentiels (les œufs) par jour. Mais, la science impitoyable allait les décevoir de nouveau.

Les mâles sont un poids pour la société des abeilles. D’abord, ils ont issus d’œufs non fécondés. Autrement dit, ils ont une mère, mais pas de père. Cependant, ils sont un grand-père. Drôle de généalogie quand même ! La reine les conçoit sans utiliser de sperme. Ils ne participent pas significativement aux travaux dans la ruche et leur langue trop courte les empêche de butiner les fleurs. En somme, ce sont des bouches de trop à nourrir. Certains scientifiques disent quand même que leur présence dans la ruche influence la productivité des ouvrières butineuses. Ce qui semble logique, car lorsqu’on héberge autant de bouches à nourrir, il faut stocker plus de miel et du pollen. Ils aident aussi à ventiler la ruche pour augmenter la température quand il fait froid ou évacuer la chaleur quand il fait chaud. Autrement dit, si la reine savait, elle remplacerait illico ces faux bourdons par une thermopompe !

Opportunistes, feignants, profiteurs : les qualificatifs réducteurs ne manquent pas pour décrire ces mâles dans une perspective humaine. Ces faux bourdons sont d’ailleurs souvent victimes des abeilles ouvrières qui, au moindre stress, les invectivent et peuvent même les expulser de la ruche. Ils ont le dos large, les pauvres.

Leur rôle principal est néanmoins vital : il consiste à féconder une jeune reine lorsqu’elle prend son envol pour fonder une nouvelle ruche ou remplacer sa mère. Une volée de mâles la poursuit alors et ils s’accouplent avec elle dans les airs. La femelle stockera le sperme dans des réservoirs, appelés des spermathèques, et elle le gardera toute sa vie. Mais, sitôt l’accouplement terminé, un piège se referme sur les mâles. C’est qu’il est presque impossible pour eux de s’arracher de la reine sans y laisser un morceau : leurs organes génitaux et une partie de l’abdomen y restent fixés. On est loin de la lune de miel… Même qu’il y a des divorces qui se terminent mieux ! En résumé, si un faux bourdon vous dit qu’il a veillé tard et qu’il en a perdu des bouts, il faut le prendre au premier degré.

Je sais que je me suis éloigné du titre de ma chronique, mais je vais y arriver. Je tenais à emprunter ce chemin pour donner un coup de Jarnac aux hommes qui se réclament de plus en plus de cette idéologie stupide du mâle alpha. Je soupçonne d’ailleurs que plusieurs d’entre eux sont à l’image des faux bourdons : plutôt inutiles, avec leur trompe trop courte qui les empêche de butiner. Permettez-moi aussi de m’excuser de faire de l’anthropomorphisme sur le dos des faux bourdons. Les abeilles sont ce qu’elles sont et on ne peut dégainer des critères humains pour définir et juger du rôle des mâles chez ces insectes sociaux.

Maintenant, quel lien avec la campagne électorale ? Il se trouve que dans la démocratie des abeilles, les ouvrières qui doivent convaincre dansent pour faire valoir leur programme. Lorsqu’une nouvelle reine entourée de sa cour part s’installer ailleurs, le choix du site où implanter la colonie revient aux éclaireuses. Comme les Jacques Cartier et Samuel de Champlain, ces ouvrières partent en expédition et reviennent vers la reine et sa cour pour rapporter les nouvelles. De retour de leur mission, chaque éclaireuse danse pour faire valoir la raison pour laquelle il faudrait s’installer sur le site qu’elle a trouvé. C’est alors à la ruche de décoder les arguments des uns et des autres et de décider. La gagnante est celle qui sera ultimement entourée par la majorité de la ruche. Une façon de lui dire : « C’est toi qui as gagné le suffrage universel, alors amène-nous maintenant vers cet endroit que tu trouves si extraordinaire. » C’est la « démocratie » des abeilles.

Je crois qu’on devrait essayer cette façon de faire pour donner un peu plus d’humour à nos campagnes électorales. Premièrement, ça nous changerait de la valse des promesses, dont le rythme est si effréné qu’elle finit par donner le tournis. Ensuite, avec leurs pieds occupés à danser, il leur arriverait peut-être moins souvent de s’en mettre un dans la bouche. Vous savez, comme le chef caquiste lorsqu’il associe l’immigration et la violence, par exemple.

Avec des campagnes électorales dansées, je suis certain qu’il y aurait plus de représentativité au pouvoir, car les chances qu’on ait un premier ministre latino ou africain sont nettement plus élevées.

Maintenant, qui danserait quoi pendant l’élection ? Pour Gabriel Nadeau-Dubois, ce serait un tango obligatoire avec Manon Massé. Éric Duhaime slamerait pour mieux fesser dans le tas. Le cas de Dominique Anglade est plus complexe. Elle a essayé d’impressionner la galerie sur la chanson Tout écartillé de Charlebois. Malheureusement, elle est désormais paralysée dans une split (grand écart) avec un pied pris chez les francos et l’autre chez les anglos. Elle ne pourra donc pas danser. Paul St-Pierre Plamondon danserait sur du traditionnel et François Legault sur du néo-trad. Pour ceux qui ne sont pas familiers, le néo-trad, c’est juste du traditionnel revisité à la sauce moderne pour racoler plus large. Ça sonne un peu comme du traditionnel, mais ce ne l’est pas vraiment. Une chose est sûre, il faudra interdire le limbo. Sinon, nos politiciens rivaliseront encore pour savoir qui descendra le plus bas, alors qu’on aimerait tous les voir mettre la barre plus haut.

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