Avant de commencer mon texte, permettez-moi de vous dire que je suis très content de vous retrouver, chères lectrices et chers lecteurs.

Il y a une trentaine d’années, il y avait aussi des règlements de comptes entre groupes criminalisés d’ici. Souvenons-nous de la fameuse guerre des motards qui avait secoué solidement Montréal dans les années 1990. Une alliance menée par les Rock Machine affrontait les Hells Angels pour le contrôle du trafic de drogue. Souvenons-nous aussi de la grande indignation collective lorsque cette guerre a emporté accidentellement un garçon de 11 ans, Daniel Desrochers. Cette bourde a été la goutte de trop qui a mené à la création de l’escouade antimotards Carcajou et à l’adoption d’une loi antigang en mai 1997. Deux initiatives qui allaient mener la vie dure aux motards criminels.

Je pense que dans cette nouvelle crise du banditisme, Montréal est à cette même croisée des chemins. Aujourd’hui, entendre parler d’une personne innocente tuée malencontreusement par les gangsters qui jouent avec les armes ou prennent Montréal pour un décor de film de cowboys est presque banalisé.

C’est dans la forme de ce banditisme plus que dans son ampleur que se trouve ce problème qui a miné considérablement le sentiment de sécurité d’une grande partie de la population montréalaise. C’est comme si on était passé du crime organisé au crime totalement désorganisé. Ce nouveau gangstérisme n’hésite pas à tirer en plein jour sur des gens attablés dans un restaurant familial et fait d’innocentes victimes.

Le laxisme du gouvernement Trudeau dans le dossier du commerce illégal d’armes à feu et le manque d’aplomb de l’administration de Valérie Plante ont pavé le chemin à ce qui ressemble de plus en plus à une guérilla urbaine. Même si certains spécialistes de la question disent, statistiques à l’appui, que la ville est encore très sécuritaire, pour beaucoup de citoyens, leur Montréal tant adoré est devenu méconnaissable et il faudra frapper un grand coup pour espérer renverser cette tendance. Malheureusement, après chaque meurtre, on réalise toujours plus à quel point Valérie Plante semble inconfortable avec cette saga. Il faut dire que la mairesse de Montréal a déjà flirté avec les idéologies de définancement de la police. Un dérapage qui, à tort ou à raison, lui colle encore à la peau.

Il est vrai que « toujours plus de policiers » ne peut être la seule solution aux problèmes d’insécurité et qu’il faut garder un œil très critique sur les forces de l’ordre pour éviter les malheureux dérapages qui font parfois la manchette. Cela dit, il faut rappeler aussi que ces forces sont plus qu’indispensables et que la très forte majorité des policiers sont d’honnêtes citoyens au service du plus grand bien qu’une société puisse posséder : la sécurité.

Évidemment, la police n’est pas la seule solution. Le travail que font les groupes communautaires et la lutte contre la précarité sont d’autres façons tout aussi essentielles de lutter contre la criminalité. Aussi, plaider pour un renforcement des deux fronts sans parler de définancement de la police est à mon avis bien plus constructif. Penser que les humains sont naturellement bons en absence de loi est une grande illusion. Si on affaiblissait la police, les premiers à vivre dans la terreur seraient les mêmes qui réclament son définancement. En cause, les groupes criminels prendraient rapidement le contrôle de certains quartiers et les plus riches s’entoureraient de barrières et engageraient des milices privées pour assurer leur sécurité et celle de leurs enfants.

Le 7 octobre 1969, une grève des policiers et des pompiers de la ville de Montréal avait montré aux gens d’ici à quoi pouvait ressembler la nation sans police. Les forces de l’ordre devenues invisibles dans les rues, l’anarchie s’est installée rapidement dans la ville. En l’espace de quelques heures, des actes de vandalisme, des vols de banque, des incendies, des batailles rangées et des échanges de coups de feu furent signalés aux quatre coins de la ville. On a répertorié 456 vols par effraction en une seule journée. Cette histoire rappelle à quel point la police et les tribunaux sont au centre de la paix sociale et représentent aussi les fondements d’une saine démocratie.

Cela dit, pour la police de Montréal, le dossier d’aujourd’hui est plus délicat que celui des motards des années 1990. En ces temps où les images des médias sociaux et traditionnels, relayées massivement, peuvent mener à une crucifixion sans procès, les policiers ont la frousse alors que ce sont les criminels qui devraient avoir peur. Ils savent que le chemin pour régler cette nouvelle forme de gangstérisme urbain est pavé de mines.

En effet, infiltrations, écoutes et interpellations préventives de personnes suspectes seront inévitables. Or, comment naviguer sans heurt avec ces outils quand les caméras de téléphone sont partout ? Ce ne sera pas facile, mais il faudra trouver une voie de passage. Valérie Plante devrait peut-être appeler Rudy Giuliani, le même qui dégoulinait du front pour défendre Trump, devenu son gourou. Il a naguère été très efficace en la matière alors qu’il était maire de New York, entre 1994 et 2001. Avec sa politique de la « tolérance zéro », Giuliani avait réduit de façon significative la criminalité et la délinquance qui avaient transformé New York en un véritable far-west avant son élection.

Dans une société qui se veut visionnaire, on peut à la fois donner aux policiers des moyens nécessaires pour traquer les criminels, lutter contre la pauvreté et investir dans les groupes communautaires qui travaillent en amont pour faire de la prévention. C’est de ce combat multidirectionnel qu’arrivera la victoire sur ce fléau, et pas de ces idéologies de définancement et des récupérations politiques. Ce qui se passe à Montréal devrait concerner toute la nation, car Montréal est le cœur du Québec. Quand le cœur vacille, les organes périphériques finissent toujours par écoper.

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