Voilà, c’est lancé ! Il ne nous reste que quelques mois pour s’attaquer à notre fondation avant que celle-ci ne s’écroule sous nos pieds. Est-ce qu’on continue à ne rafistoler qu’en façade — assurant un écroulement — ou on creuse pour recimenter ?

Le dilemme est le même pour le climat. Nous savons que les politiques les plus efficaces résident dans l’écofiscalité et la réglementation, mais celles-ci sont peu populaires — notamment puisque notre société est lourdement dépendante du pétrole.

Même si nous devons renforcer ces mécanismes, ils se frappent à des murs d’acceptabilité sociale.

Afin de créer un climat propice à l’implémentation de politiques climatiques ambitieuses et cohérentes avec les recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il est possible de se tourner vers des méthodes complémentaires, comme la subvention.

Inflation Reduction Act

La nouvelle loi budgétaire adoptée la semaine dernière au Congrès américain — Inflation Reduction Act (IRA) — est un exemple parfait. C’est l’investissement américain le plus significatif jamais vu pour s’attaquer aux changements climatiques, et son titre n’évoque même pas l’environnement.

Ce n’est pas qu’un détail. En fait, c’est l’essence du projet ; l’acte transforme les politiques environnementales en politiques industrielles.

Plus exactement, l’IRA offre la somme colossale de 369 milliards de dollars américains pour investir dans divers projets d’énergies propres et réduire les émissions du pays de 42 % d’ici 2030.

L’essentiel de la stratégie repose sur des subventions visées vers les industries éolienne, solaire et géothermique, ainsi que les batteries pour accélérer la transition vers des énergies renouvelables et les voitures électriques.

L’IRA a réussi là où la taxe carbone de Clinton et la Bourse du carbone d’Obama ont échoué : elle offre un équilibre entre les intérêts des géants corporatifs tout en offrant un plan climatique plus ambitieux que le Canada⁠1.

Pour ce faire, elle s’est défait du carcan idéologique de l’efficacité économique et a réimaginé la politique climatique. Une approche similaire serait bénéfique pour le Canada.

Le cas canadien

L’Alberta et le Manitoba sont les provinces canadiennes où les citoyens doutent le plus de l’effet des activités humaines sur les changements climatiques. Ils votent donc contre les politiques climatiques fédérales.

Or, cette vision est davantage liée au manque de solutions de rechange économiques qu’à leur réelle (in)compréhension de la science du climat ; leur économie est basée sur l’industrie pétrolière, ils ne peuvent entrevoir de prospérité sans exploitation, ce qui les amène à nier l’existence de la crise climatique.

Il est plus facile de croire ses mensonges que d’accepter que nos actions causent des problèmes.

Il est donc primordial d’accompagner les provinces productrices de pétrole dans leur transition énergétique et économique ; c’est cet accompagnement qui permettra l’avènement d’un mouvement pancanadien pour le climat.

Pour ce faire, rappelons que l’électrification de notre économie va vraisemblablement doubler notre consommation d’électricité dans les prochaines années. Effectivement, 50 % de l’énergie québécoise — à ne pas confondre avec l’électricité qui est un type d’énergie — est de source fossile. Ce ratio atteint 80 % à l’échelle canadienne.

Il y a un besoin criant : il nous faut une politique industrielle afin d’accélérer la transition énergétique. Nous devrions non seulement subventionner l’industrie, mais également la réglementer — tout en assurant la pérennité des mécanismes d’écofiscalité.

D’ailleurs, les bénéfices politico-économiques de la subvention sont des plus attrayants ; elle n’augmente pas le coût de la vie, elle le diminue — une caractéristique intéressante en ces ères inflationnistes.

Bien que l’accent soit mis sur l’énergie, il existe d’autres applications à la subvention. À titre d’exemple, la Californie met de l’avant un projet de loi qui offre 5000 $ US aux individus qui ne possèdent pas de voiture.

C’est le genre de proposition qui fait avancer le mouvement au lieu de le diviser. Une fois rassemblés, peut-être saurons-nous accélérer notre course vers la carboneutralité.

Une distinction doit être appliquée pour le Québec. L’adhésion québécoise à l’action climatique est impressionnante, tout comme le consensus sur la Bourse carbone.

Subventionner l’énergie renouvelable est désirable, mais ne résout pas nos principaux défis, qui résident dans nos politiques d’aménagement du siècle dernier.

Notre objectif est d’atteindre la carboneutralité avant que la fondation s’effondre. Pour ce faire, l’écofiscalité et la réglementation sont d’efficaces méthodes, mais elles nécessitent un climat social des plus favorables. C’est ici que la subvention entre en compte ; elle assure l’adhésion populaire aux politiques climatiques et nous rapproche de notre objectif intermédiaire — renforcer l’écofiscalité et la réglementation —, ce qui nous permettra, finalement, d’atteindre la carboneutralité.

Il faut bien commencer par creuser avant de couler la fondation.

1. Lisez l’éditorial de Vincent Brousseau-Pouliot : « Climat : même les Américains font plus d’efforts que nous ! » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion