La Presse nous apprenait le 15 août dernier1 que les propriétaires du chantier naval Davie à Lévis ont changé leur structure corporative en créant une nouvelle entreprise dans l’île de Guernesey, petit paradis fiscal sous contrôle britannique.

Cette entreprise, Global Marine Industries Limited, venait remplacer ZM Offshore Management, elle aussi située dans un paradis fiscal : les îles Vierges britanniques. Cela se serait produit en 2020 alors que le chantier Davie se voyait octroyer 10 milliards de dollars en contrats fédéraux.

En gros, la société portefeuille qui possède le chantier Davie a déménagé d’un paradis fiscal vers un autre paradis fiscal. Selon les dires de James Davies, copropriétaire du chantier Davie, la présence ZM Offshore Management aux îles Vierges britannique était un enjeu : « Le monde a changé. Nous ne sommes plus dans un environnement réglementaire léger. »

Toujours selon La Presse, « parmi les raisons évoquées pour s’installer à Guernesey, [James Davies] mentionne l’environnement réglementaire “flexible” et “sophistiqué” de l’île, qui offre “tous les services dont on peut avoir besoin pour voir à la gestion d’un groupe international d’entreprises”. »

Nous ne sommes pas dupes du vernis de respectabilité qui couvre les mots « flexible » et « sophistiqué », c’est une manière de se cacher en plein jour. La flexibilité et la sophistication ont toujours été les produits vendus dans les paradis fiscaux.

L’emballage des îles Vierges est maintenant désuet ? Place à Guernesey ! Quel est le « besoin » de son groupe international de s’installer à Guernesey sinon un lien évident avec le fait que les entreprises y paient un impôt de… 0 % !?

M. Davies se défend en affirmant que tous les impôts canadiens ont été payés. C’est peut-être exact. En fait, avec une société portefeuille à Guernesey, il est toujours possible et toujours plus facile de faire fondre sa facture d’impôt comme neige au soleil, en jouant sur la répartition des revenus et des dépenses des deux côtés de l’Atlantique.

Tout cela sera légal et transparent, cautionné par les conventions de non double imposition entre le Royaume-Uni et le Canada. La belle affaire ! Comme nous le demandons depuis longtemps, il faut en finir avec ces conventions qui, sous prétexte de vouloir empêcher la double imposition, aboutissent à ne pas imposer du tout.

Pires que lui

M. Davies se défend en disant que ses compétiteurs sont pires que lui. Ce n’est en rien un argument pour le blanchir ! Qu’on les démasque aussi ! Qu’on traque les mouvements de leurs capitaux, les chaînes de propriétés effectives et qu’on fasse la lumière sur les pratiques du monde des chantiers navals.

Tout cela serait déjà un problème sans l’octroi de contrats publics. Mais, les 10 milliards de fonds publics versés à la Davie pendant près de 20 ans, sans que l’état prenne acte de ces pratiques, nous consternent encore une fois. Pourtant, les solutions existent. Il manque toujours la volonté politique.

Que ce soit les îles Vierges britanniques ou Guernesey, la Davie nous mène en bateau. Et tant Ottawa que Québec doivent se ressaisir ! Y a-t-il un capitaine à bord ?

1. Lisez « Chantier Davie : d’un paradis fiscal à l’autre pour les propriétaires » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion