Tapette, fifi, pédé. Ça, ce sont quelques-uns des qualificatifs qui m’étaient balancés au visage le matin sur la route de l’école. J’avais 9 ans. J’avais peur du bus. J’avais peur de rentrer seul à pied et de croiser les gars du quartier. J’avais peur des vestiaires du gymnase. J’avais peur du gymnase lui-même. J’avais peur de la cafétéria. J’avais peur des toilettes des gars. J’avais peur des quelques minutes avant le début des cours, où je pouvais me retrouver avec un stylo jeté derrière la tête.

Enfant, j’ai souvent fantasmé de changer d’école, de village, de ville ou même de pays. Forcément, ça laisse des séquelles pour une vie, cette intimidation-là. Si vous lisez ces lignes et que vous être gai, bi, lesbienne, trans ou non binaire, vous avez sûrement vécu la même chose. Ou pire. Banal, diront certains. On est rendus ailleurs. On est en 2022. C’est encore drôle.

Quand j’ai décroché l’une de mes premières jobs, une de celles que j’avais choisies, comme j’aurais aimé choisir mon école pour y trouver des gens qui me ressemblent, j’ai délibérément fait le choix d’aller travailler dans un milieu ouvert, où je n’aurais pas à me cacher.

Aujourd’hui, j’ai 40 ans et je me rends compte, en regardant dans le rétroviseur, que j’ai toujours fait le choix de travailler dans des milieux ouverts, inclusifs, respectueux des différences. Des entreprises où la question de l’orientation sexuelle n’était pas un enjeu tabou qui serait un empêchement d’avancer.

Lorsqu’on m’appelle pour donner une conférence ou une formation en entreprise, parfois sur la question de la diversité, j’aborde librement mes expériences de travail avec ces boss ouverts et bienveillants qui m’ont aussi permis d’être qui je suis aujourd’hui.

Il y a quelques mois, l’une des directrices avec qui je donnais un atelier m’a avoué que dans le grand spectre de la gestion de la diversité dans son entreprise, la question de l’orientation sexuelle était encore un enjeu tabou. Un milieu de gars, tous probablement très ouverts, mais où certains non-dits empêchaient sûrement d’autres de parler de leur vie librement, sans la peur du jugement ou des possibilités d’avancement. Pour confirmer mes intuitions, j’ai contacté le partenaire des Formations Infopresse, la Fondation Émergence, qui a pour mission d’éduquer, d’informer et de sensibiliser la population aux réalités des personnes qui se reconnaissent dans la diversité sexuelle ainsi que la pluralité des identités et des expressions de genre.

Un sondage que la Fondation a réalisé en 2021 révélait que 65 % des travailleurs et travailleuses LGBTQ+ avaient été victimes d’au moins une situation de harcèlement sexuel ou psychologique en milieu de travail dans les cinq dernières années et que 28 % avaient affirmé qu’aucun collègue n’était au courant de leur identité. Et je n’aborderais qu’une statistique, consternante, en ce qui concerne les personnes trans : 30 % des femmes trans ont mentionné dans un autre sondage s’être fait refuser un emploi en raison de leur identité de genre.

Donc, si je résume, harcèlement et mise au placard concernent encore plus d’un tiers de l’ensemble des personnes LGBTQ+ au Québec qui travaillent dans des entreprises. On est en 2022, je nous le rappelle, une année où l’on parle tant d’inclusion et de bienveillance en entreprise.

En ce mois des fiertés, un peu partout dans le monde, je pense qu’il est essentiel d’aborder la question de la formation des gestionnaires et des employés de toutes les entreprises à la question des diversités. Sexuelles, bien sûr, mais aussi culturelles, de genre, de génération… Engageons-nous à donner des outils concrets aux professionnels de toutes les industries, même les plus conservatrices et traditionnelles pour leur permettre d’aborder librement les différences, de faire tomber les barrières ainsi que les biais qui sont malheureusement encore trop nombreux et, surtout, de donner des modèles à suivre aux générations futures.

C’est avec tout ça en tête que je me suis donné pour mission comme entrepreneur de développer, avec la complicité de Danièle Henkel, un programme de certification en Équité, Diversité et Inclusion composé de formations et d’ateliers pour permettre aux participant.e.s de devenir des acteurs de changements. La Fondation Émergence propose également des formations sur l’inclusion des personnes LGBTQ+en milieu de travail. Et nous créons notre premier Sommet en présentiel EDI (Équité, diversité, inclusion) le 23 novembre prochain chez Formations Infopresse à Montréal.

Donnons-nous le mandat de créer des milieux de travail accueillants. On ne peut plus se permettre de laisser personne de côté. Et à ceux qui doutent, je dirai ceci : ne sous-estimez pas ceux qui ne peuvent être eux-mêmes autour de vous dans vos organisations. Certains vont peut-être quitter leur emploi à cause de cela. Et tous vos avantages sociaux ne pourront rien y changer.

Tendons-nous la main. Soyons fiers. Ensemble.

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