Après une quinzaine d’années comme gestionnaire, j’ai quitté le réseau de la santé au moment de la dernière réforme. Depuis, je demeure impliquée indirectement par l’enseignement, le coaching et la recherche. Toujours passionnée par la gestion, j’ai développé un regard rigoureux et critique envers notre réseau.

J’ai donc lu avec intérêt le rapport demandé par Christian Dubé à sa sous-ministre au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et j’y ai retrouvé mes concepts préférés : autonomie, proximité, accompagnement, ainsi qu’une approche contextualisée et évolutive qui se distingue des vérités unilatérales et des changements radicaux qui caractérisent trop de transformations.

La sous-ministre Dominique Savoie l’indique bien, les problèmes qu’elle nomme dans son diagnostic ne sont pas nouveaux. Toutefois, son rapport apporte un nouveau ton, un regard plus introspectif qui va jusqu’à reconnaître que le MSSS lui-même doit changer sa posture.

En revisitant le rôle du MSSS, la sous-ministre propose de redonner plus d’autonomie aux établissements de santé sur le « comment ». Les dernières années nous l’ont démontré, pour que les PDG laissent plus de marge de manœuvre aux différents paliers de leurs organisations, il faut tout d’abord que le Ministère laisse une plus grande liberté d’action à ses PDG. Le réseau de la santé est un trésor de personnes hautement qualifiées et dévouées. La complexité qui le caractérise fait en sorte que l’on doit valoriser la contribution de tous les intervenants qui le composent. Peu importe le statut hiérarchique, chaque personne est le « monsieur ou la madame solution » de son domaine.

Entre contrôle et autonomie

Ce que le rapport ne dit pas, et qui sera à surveiller vu la pensée comptable des gouvernements, c’est que l’approche contrôlante des dernières années s’est opérationnalisée par une reddition de compte énergivore et paralysante. En effet, sous l’objectif d’éclairer la prise de décisions, l’intensification de la reddition de compte a entraîné une perte de sens et éteint toutes formes d’initiatives (sauf celles pour jongler avec les statistiques afin de les faire mieux paraître). Il faudra donc trouver un équilibre entre le contrôle et l’autonomie qui sera au service de l’innovation interne, celle qui provient du terrain.

Personnellement, je suis convaincue que cet équilibre passe par la valorisation de la gestion de proximité, un thème phare du rapport de Mme Savoie (alléluia !).

Depuis la réforme Barrette, le management a déserté la scène du travail opérationnel étant happé par des tâches consommatrices de temps comme l’alimentation des systèmes d’information et les réunions d’information descendantes (top-down). Les rôles de facilitation, de coordination, d’animation et de régulation des tensions sur le terrain des gestionnaires de premier niveau ont ainsi été négligés. Comme le note la sous-ministre, cette absence de leadership local a des répercussions à plusieurs niveaux et notamment sur la rétention du personnel.

Les gestionnaires de proximité sont les murs de soutien de notre réseau. Non seulement on ne peut les enlever sans risque de voir le bâtiment s’écrouler (la réalité de certains CHSLD durant la pandémie l’a démontré), mais il faut aussi s’assurer de leur solidité. L’accompagnement des gestionnaires vers la réappropriation de cette posture de gestion globale et non purement administrative est essentiel et le rapport en fait mention (alléluia bis !).

Sans les nommer explicitement, ce rapport met en lumière deux problèmes importants qui ralentissent l’évolution naturelle du réseau : la dévalorisation du rôle des gestionnaires et l’omniprésence des pressions externes liées aux échéances électorales. Imaginez comment nous pourrions être ailleurs si nous laissions plus de place à la proximité et à l’innovation interne et moins aux gérants d’estrade (à qui on donne beaucoup trop d’attention !).

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion