L’auteure s’adresse à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest

Madame la Ministre, cette année, j’ai signalé à mon propriétaire que je partirais en juillet. Mais voilà, en aucun cas, je n’aurais imaginé me retrouver dans une situation si cauchemardesque ! Jamais je n’aurais imaginé que notre gouvernement puisse avoir laissé se produire un tel fiasco.

Dites-moi, au Québec, jusqu’où une personne doit-elle accepter de se faire humilier afin d’avoir un toit sous lequel vivre et prendre soin de sa famille ?

Les appartements disponibles sont rares, les prix, exorbitants. Mais mis à part ces deux problématiques, une autre encore plus sournoise s’implante de plus en plus dans notre réalité. Êtes-vous consciente qu’avoir des enfants est devenu une plaie et, par le fait même, un motif d’exclusion pour un grand nombre de propriétaires ? Savez-vous que les prestataires d’aide sociale sont considérés par la majorité des gens comme de vulgaires parias sans même que l’on ait pris le temps de les rencontrer ?

En sommes-nous vraiment rendus à ce stade dans notre belle société québécoise réputée pour son accueil et sa bienveillance ?

Pour beaucoup, se chercher un appartement signifie devoir vivre dans la tourmente, le stress et la pression due au sentiment de rejet qu’occasionne la recherche d’un logement. Avez-vous pensé aux enfants qui se sentent en partie responsables d’être la cause de ce refus ? Eux qui sont censés être les joyaux de notre société, eux qui formeront le peuple de demain sont, en 2022, perçus comme des êtres nuisibles et pestiférés. Et vous, gens de pouvoir qui avez la possibilité de corriger cette situation immonde et insensée, avez-vous au moins conscience de son existence ?

Bonne locataire

Le fait d’être une mère de famille avec enfant, de payer mon loyer sans le moindre retard, d’avoir une lettre de recommandation de mon ancien propriétaire, de ne jamais avoir eu de dossier à la Régie du logement (aujourd’hui le Tribunal administratif du logement), de ne pas avoir d’animaux, de ne pas fumer quoi que ce soit et d’être une personne extrêmement propre et ordonnée ne devrait-il pas suffire à un propriétaire afin qu’il daigne accepter ma candidature ?

En quoi mes occupations quotidiennes peuvent-elles avoir un quelconque impact sur un propriétaire qui, souvent, n’habite même pas les lieux ? Que je sois à la maison à enseigner à mon fils ou que je sois une professeure qui enseigne dans une école et qui est payée par un employeur, en quoi cette différence peut-elle être significative pour un propriétaire si le loyer lui est remis chaque mois comme prévu et que les lieux sont bien entretenus ?

Je propose comme solution la création d’une base de données à l’échelle provinciale qui, à elle seule (fini les enquêtes de crédit illégales), servirait au propriétaire à déterminer si oui ou non une personne est acceptée ou refusée. Ce registre donnerait accès aux propriétaires à un répertoire afin qu’ils sachent qui sont les vrais locataires à risque : ceux qui ont eu des retards de loyer, des loyers impayés, ceux qui ont endommagé leurs appartements, qui les ont rendus insalubres, qui n’ont pas respecté les clauses du bail, etc., afin qu’on fiche la paix une fois pour toutes à ceux qui n’ont rien à se reprocher ! Car être moins nanti ne doit plus être synonyme de mauvais payeur !

Urgence d’agir

La Commission des droits de la personne existe, certes, mais en ayant vu à de multiples reprises des annonces indiquant clairement que les personnes SEULES sont les bienvenues, que les enfants ne sont pas permis, que les gens qui n’ont pas d’emploi doivent s’abstenir, que nous devons fournir trois talons de paie, que nous devons payer nous-mêmes pour l’enquête de crédit, etc., il m’apparait évident que les propriétaires se fichent des lois ! Ils ne s’en cachent même plus !

Ces lois sont censées protéger les citoyens désirant louer un endroit pour y habiter ; elles ne le font visiblement pas.

D’autre part, le coût des loyers est exorbitant. Les HLM ne fournissent pas à la demande. Certains attendent plus de 10 ans ! Ne considérez-vous pas qu’avoir un toit soit une nécessité dans la vie de tous ? Et par « toit », je ne parle pas d’un endroit luxueux, mais bien d’un appartement décent et sécuritaire. À l’heure où j’écris ces lignes, ces endroits sont loués à des prix qui se rapprochent de ceux des appartements de luxe du marché d’il y a 10 ans. Mais j’imagine que cette problématique-là, vous la connaissiez déjà.

Prendre conscience de quelque chose, c’est bien. Agir, c’est encore mieux ! Et agir ne signifie pas de réfléchir pendant cinq ans et de prendre cinq autres années pour solutionner le problème. Ici, maintenant, il y a urgence !

Je vous demande donc de bien vouloir signaler ces problématiques à l’Assemblée nationale afin que des solutions soient trouvées et que des actions immédiates soient prises dans le but de mettre fin à cette exclusion, ce tri et ce mépris systématique qui ne font que s’aggraver. Cette façon de faire doit cesser.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion