C’est l’histoire de deux infirmières à Joliette qui suivent une formation « antiraciste ». On leur apprend que les Atikamekw sont « toujours prêts à rigoler » et qu’il faut créer avec eux « un rapprochement », par exemple en utilisant un surnom. Les infirmières appliquent de manière naïve, mais de bonne foi, leurs apprentissages. Une Atikamekw, Jocelyne Ottawa, se sent insultée par leurs agissements et les infirmières se font ensuite congédier. Isabelle Hachey a rapporté ce quiproquo administratif⁠1, mais il faut revenir sur ces formations qui sont problématiques.

Les formations à la diversité, qu’on appelle parfois « antiracistes », sont maintenant chose commune dans les entreprises privées, les universités et les institutions publiques, notamment dans l’appareil étatique canadien.

Elles découlent généralement de la logique suivante : les institutions occidentales ne seraient pas neutres et elles favoriseraient la « culture blanche » de manière inconsciente. Déjà, prétendre qu’une culture unirait les Écossais, les Français, les Russes et les Québécois « blancs » est fortement discutable, mais passons pour le moment.

Comme nos institutions ne seraient pas neutres, il faudrait qu’elles adaptent leurs interventions en fonction de la culture de l’individu auquel elles s’adressent.

Les infirmières ont donc voulu modifier leurs habitudes pour être en symbiose culturelle avec leur patiente. Or, c’est précisément l’opposé qui s’est produit.

Une telle logique porte un nom, c’est celui de la lutte contre le « racisme systémique ». Le Québec a débattu longuement de cette théorie du « racisme systémique » dans les dernières années. Laissons-la ici de côté, jugeons plutôt l’arbre (théorie) à ses fruits (solutions).

Il ne fait aucun doute que ces formations que l’on impose un peu partout en Occident essentialisent des populations en leur assignant des caractéristiques immuables. Elles infantilisent aussi des professionnels, ici de la santé, qui sont généralement très soucieux du service qu’ils offrent, et ce peu importe la couleur de peau de leur client ou de leur patient.

Mais en suivant les enseignements qu’offrent ces formations, ce n’est plus un patient qu’ils ont sous les yeux, c’est un Autochtone, un Noir, un Blanc. On ne traite plus le patient en tant que patient, mais en fonction de son groupe ethnique ou racial.

Il ne faut d’ailleurs pas gratter bien fort le vernis de ces formations pour voir que cette essentialisation tombe facilement dans le stéréotype le plus vulgaire.

Il y a quelques années, il y avait un « formateur antiraciste » aux États-Unis qui expliquait dans le New York Times⁠2 que la ponctualité faisait partie de la « culture blanche » et que celle-ci opprimait les jeunes Noirs en les punissant injustement, car ceux-ci arrivaient en retard à l’école. Plutôt que de combattre les stéréotypes, il semblerait que « l’antiracisme » de ces formations s’en réclame positivement. Il faudra nous expliquer en quoi c’est une avancée.

Si les infirmières n’avaient pas suivi leur formation « antiraciste », il n’est pas exagéré de penser qu’elles n’auraient pas agi comme elles l’ont fait et elles n’auraient pas reçu les multiples accusations de racisme qui ont suivi. Lorsqu’une formation mène exactement à l’inverse de ce qu’elle visait, on peut dire qu’elle est non seulement inefficace, mais franchement nuisible.

Les employés n’ont pas à subir des formations infantilisantes qui leur font adopter des comportements racistes.

1. Lisez la chronique d’Isabelle Hachey, « Sacrifiées sur l’autel de la vertu » 2. Lisez le texte de Daniel Bergner (en anglais) : « ‘White Fragility’Is Everywhere. But Does Antiracism Training Work ? » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion