Le Plan pour un réseau scolaire commun d’École ensemble lancé le 9 mai dernier a créé un véritable « momentum » de discussions autour de l’avenir du système éducatif québécois. Les multiples articles de journaux ou émissions de radio ayant suivi sa sortie en témoignent.

Ce texte vise à collaborer à cette discussion collective en apportant des éléments peu ou pas soulevés liés à la problématique des marchés scolaires, auxquels il faudrait nécessairement réfléchir afin d’atteindre au mieux les objectifs sociaux que sont l’égalité des chances devant le système éducatif québécois et l’égalité de traitement en son sein.

Avec son plan, École ensemble veut notamment s’attaquer à trois mécanismes qui participent à la présence de marchés scolaires au Québec, soit la possibilité de choisir l’école de ses enfants, le caractère sélectif d’écoles ou de leurs programmes et les droits de scolarité exigés aux parents pour accéder à certaines écoles ou certains programmes.

Dans l’état actuel du système éducatif, ces mécanismes sont présents dans le secteur public et privé, quoiqu’il existe des variations. L’abolition de ces mécanismes vise aussi à favoriser une plus grande mixité sociale dans les établissements scolaires, réduite notamment en raison des logiques de marchés scolaires. Le plan d’École ensemble suggère aussi de redessiner la carte scolaire afin de réduire l’impact de l’inégale répartition des individus en fonction de leur classe sociale entre les quartiers d’une ville.

Si elles sont mises en œuvre, ces propositions pourront certes participer à rendre les écoles plus mixtes sur le plan social et à réduire les dynamiques de marchés scolaires au Québec. Toutefois, certains effets directs ou indirects du plan proposé doivent davantage être mis de l’avant, intégrés à la réflexion collective, notamment dans l’optique de les contrer, du moins le plus possible.

Des éléments à considérer

D’abord, le plan suggère que les établissements privés subventionnés à hauteur de 60 % par les fonds publics se convertissent, s’ils le veulent, en écoles conventionnées, c’est-à-dire subventionnées à 100 %. Ainsi, elles deviendraient des écoles qui auront un bassin respectif, délimité par la carte scolaire redessinée. Des élèves y seront donc affiliés en fonction de leur lieu de résidence. Or, il faut considérer que la qualité des infrastructures, de l’équipement matériel, etc., de ces écoles conventionnées, du moins la grande majorité, diverge grandement de celle de certaines écoles publiques, ce qui créerait un traitement distinct entre les établissements scolaires du réseau commun proposé. Afin de limiter à court terme les effets de cet écart, voire de les éliminer à moyen ou long terme, un investissement important devra être fait dans les écoles publiques, mais surtout certaines considérées comme plus problématiques.

Ensuite, il convient de penser que des parents, surtout ceux détenant un diplôme universitaire ou issus d’un milieu socioéconomique favorisé, tenteront d’établir des stratégies qui les favoriseront dans les « nouvelles règles du jeu », notamment des stratégies résidentielles. Il ne faudrait pas non plus s’étonner s’ils préfèrent certains parcours particuliers à d’autres. Bref, un marché officieux (Felouzis, Maroy et van Zanten, 2013) pourrait s’élaborer.

Des logiques de marchés pourraient se recréer sous de nouvelles formes, certaines pouvant être plus subtiles, du moins au début. Il faudrait donc demeurer alerte afin de constater et documenter la mise en place de ces phénomènes.

Enfin, soulignons que le plan ne permet pas de s’attaquer aux inégalités existantes entre les régions du Québec, surtout entre les régions urbaines et les régions rurales, en matière d’égalité des chances devant le système éducatif et d’égalité de traitement en son sein. En effet, les marchés scolaires sont surtout présents dans les centres urbains du Québec. Ces inégalités entre les régions, dont on ne parle souvent que trop peu, sont pourtant bel et bien présentes. Est-ce qu’un élève d’une région rurale pourra avoir accès à des parcours particuliers similaires, offrant des atouts semblables, à un élève résidant dans un centre urbain ?

Au vu de ces éléments, il semble pertinent de les incorporer à la réflexion collective des changements à apporter au système éducatif québécois, notamment afin de s’assurer qu’ils soient le plus possible alignés avec les idéaux d’équité et de justice sociale.

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