Il est connu que le secteur des transports est le grand responsable des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec et que les besoins de mobilité des individus et des biens (malgré un repli ponctuel dû à la pandémie) est une tendance lourde qui continuera de s’accentuer.

On parle beaucoup – avec justesse – des véhicules électriques, mais des rapports récents démontrent que la courbe anticipée d’utilisation de ces véhicules ne compense pas pour l’impact de la consommation de diesel dans l’ensemble du secteur, et sera insuffisante pour permettre au Québec d’atteindre sa cible de réduction des GES en 2030 de 37,5 % par rapport à 1990. D’où l’importance de miser encore davantage sur la mobilité collective.

Le train est reconnu comme le plus propre des modes de transport des passagers et des biens. Or, son apport à la décarbonation de notre société est encore somme toute négligeable, et le Canada reste étonnamment timide sur l’adoption de technologies locomotives à faible ou zéro émission.

Depuis quelques mois, en Allemagne, la Deutsche Bahn (DB) teste un train électrique à batterie voué au service passager quotidien. La DB annonce de plus le bannissement du diesel pour son parc de 3000 locomotives d’ici 2040. En France, c’est la SNCF qui opère une solution hybride diesel-batterie.

Pour atteindre l’objectif de carboneutralité à l’horizon 2050, le Québec comme le Canada doivent aussi se tourner davantage vers le rail et favoriser ses déclinaisons les plus vertes.

Nous devons certes saluer les avancées récentes à Montréal (REM), à Québec (tramway) ou dans le Grand Toronto (électrification du réseau GO et expansion des lignes de métro), mais il faut plus de ces nouveaux systèmes électriques et miser sur la conversion de solutions existantes.

Au Canada, nous avons un réseau d’environ 50 000 km de voies ferrées dont à peine 1 % est électrifié (pour comparaison, le réseau européen l’est à plus de 50 %). Il y a certes un retard à combler, mais il est évident que nous ne pourrons pas tout électrifier. Dans les milieux moins denses et sur les longues distances, notamment, il faut envisager d’autres solutions de rechange au diesel.

Hydrogène, batterie, haute vitesse

Dès 2018, Alstom a mis en service commercial en Allemagne le premier train passager hydrogène au monde. Il affiche une performance similaire aux trains diesel, en matière de puissance, d’autonomie et de confort, tout en étant zéro émission. Depuis, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne ont lancé des programmes de conversion de parc vers l’hydrogène, alors que d’autres pays comme la Suède, la Pologne ou les Pays-Bas mettent le produit à l’essai.

Ici, c’est le secteur du fret qui, motivé par les contraintes réglementaires et le poids croissant du carburant sur son bilan, avance vers la technologie hydrogène ou batterie. Il faut louer les engagements climatiques ambitieux de nos sociétés de chemins de fer, mais elles font face à deux défis de taille : l’électrification coûteuse de leurs vastes réseaux et des technologies de stockage ne répondant pas encore à leurs besoins.

Nous sommes donc à quelques années d’une transformation radicale et incontournable du secteur, et il y aurait lieu de considérer des programmes de soutien, notamment en recherche et développement, pour accélérer la transition.

Finalement, il faut nous assurer que les sommes collectivement investies en transport public donnent leur plein retour. Dans le rail, la haute vitesse reste aujourd’hui celle qui apporte le meilleur rendement économique et de réduction de GES, car en plus d’être propulsée à l’électricité, elle entraîne un transfert modal majeur de la voiture ou l’avion vers le train, particulièrement notable sur les distances réduites à trois heures et moins. Sur ces distances d’ailleurs, plusieurs vols en Europe ne sont plus offerts, voire carrément interdits par une loi-climat.

Le projet de train à grande fréquence entre Québec et Toronto lancé par le gouvernement fédéral offre à cet égard un potentiel très intéressant. Serait-ce possible au Canada (seul pays du G7 et l’un des rares du G20 à ne pas avoir de projet de TGV) de marier la fréquence et la vitesse dans un projet qui change la donne ?

Nous le croyons. Aux États-Unis, la société Amtrak développe justement un projet de TGV entre Boston, New York et Washington qui, en plus d’atteindre des pointes à 250 km/h, relie une douzaine de localités de taille intermédiaire avec les grands centres, renforçant ainsi leurs liens et leur développement.

Bref, des solutions de mobilité verte éprouvées ailleurs tardent à arriver ici. Nous pouvons nous en inspirer, tout en reconnaissant que notre contexte et nos défis sont différents. Un dialogue ouvert entre les pouvoirs publics, l’industrie et la population, ainsi qu’un meilleur alignement des prochains choix d’investissements avec des politiques publiques audacieuses permettraient de rehausser considérablement l’apport du rail pour infléchir la trajectoire carbone du Québec et du Canada.

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