L’Assemblée nationale du Québec ajournera ses travaux vendredi, mettant un terme à la dernière session parlementaire avant les prochaines élections générales. Comme à l’accoutumée, le premier ministre François Legault en profitera pour dresser son bilan et lancer quelques fleurs à son gouvernement avant les vacances estivales.

Il y a fort à parier que les relations entre la Coalition avenir Québec (CAQ) et les Premières Nations occuperont peu d’espace dans l’exercice. C’est qu’il faudrait beaucoup d’imagination et une bonne touche d’arrogance pour trouver quelque chose de positif à dire sur le sujet. Ainsi, vous me permettrez d’utiliser cette tribune qui m’est offerte pour présenter notre propre bilan de nos « relations », une journée à l’avance.

Quatre ans de rendez-vous manqués

J’ai le privilège d’être le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) depuis maintenant 30 ans. Parmi les avantages que cela procure, il y a celui de la perspective. En trois décennies, j’ai eu l’occasion d’établir des relations avec pas moins de huit premiers ministres et une première ministre du Québec. Ce ne fut jamais simple. Du point de vue des relations entre le Québec et les Premières Nations, le premier mandat du gouvernement de François Legault se distingue toutefois de tous les autres dans l’histoire moderne par la somme des rendez-vous manqués avec les Autochtones.

L’adoption du projet de loi 96, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, le 24 mai dernier, en aura été le point culminant. En 1977, lors de l’adoption de la loi 101, René Lévesque avait bien compris que les Autochtones – dont les langues et les cultures sont elles-mêmes lourdement fragilisées – ne représentaient pas une menace à la survie de la langue française. Les communautés autochtones avaient alors été exemptées de l’application de la Charte de la langue française, principe reconnu et respecté par tous les gouvernements depuis.

En niant nos droits, le gouvernement Legault impose ainsi un recul historique aux droits linguistiques des Premières Nations.

Parallèlement, depuis quatre ans, tous les ministres du gouvernement Legault, qui suivent la ligne de conduite de leur leader, s’entêtent à nier l’existence de racisme systémique à l’égard des Premières Nations au Québec, malgré l’évidence et les rapports qui ne cessent de s’accumuler pour le démontrer. Dans la foulée de la mort tragique de Joyce Echaquan, le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, s’était engagé au minimum requis par les circonstances : inclure la notion de sécurisation culturelle dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSS). Il faut croire que c’était trop demander. Ce printemps, le gouvernement a renié lâchement sa parole en renonçant à amender la LSSS en ce sens.

En matière de protection de la jeunesse, le gouvernement Legault a écarté plusieurs des principales recommandations de notre mémoire, qui s’inspiraient des appels à l’action de la commission Viens et des recommandACTIONS de la commission Laurent, notamment celles visant la reconnaissance et le respect de la compétence des Premières Nations en protection de la jeunesse et l’abolition des délais de placement dans les communautés autochtones. Pour ajouter l’insulte à l’injure, Québec conteste à la Cour suprême du Canada la constitutionnalité de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (C-92), qui affirme la compétence des Premières Nations en matière de services à l’enfance et à la famille.

Pourtant, les rapports des commissions Viens et Laurent reconnaissaient comme principe de base notre droit à l’autodétermination.

Les choses étaient pourtant de bonne augure. Nouvellement élu, François Legault signifiait son intention de multiplier les « ententes de nation à nation » avec les Autochtones. En octobre 2019, l’Assemblée nationale du Québec adoptait même à l’unanimité une motion reconnaissant la Déclaration des Nations unies sur les peuples autochtones. Or, une fois de plus, les bottines n’ont jamais suivi les babines.

Nous nous ferons entendre

Nous pourrions poursuivre la liste encore longtemps, mais au-delà des gestes, il y a aussi l’attitude. Malheureusement, les relations entre ce gouvernement et nos représentants auront été teintées tantôt par l’arrogance, tantôt par le mépris, le paternalisme ou le manque flagrant de considération pour nos réalités.

François Legault aime se poser en défenseur de la nation et évoquer sa « fierté » d’être québécois. C’est son droit. Sauf qu’une nation fière et confiante en elle-même ne devrait pas se construire en niant les droits des autres peuples qui partagent avec elle un territoire.

Ses prédécesseurs l’avaient pourtant bien compris.

Notre approche a toujours été celle de la bonne foi et de la main tendue. Face à tant de rebuffades et un bilan si décevant, nous avons maintenant choisi de nous faire entendre. Les Premières Nations sont plus que jamais déterminées à jouer un rôle actif au cours des prochains mois et de la campagne électorale qui s’amorce. Parce que le respect de nos droits fondamentaux en dépend.

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