Il y a la vraie vie et il y la politique.

Dans la vraie vie, ma grand-mère francophone, Marielle Gohier, tombe amoureuse d’un Anglo-Irlandais de Montréal à la fin des années 1930. Tous deux étant catholiques, l’union est acceptable pour leur famille.

Mon grand-père Hackett devient pilote et se joint à l’aviation canadienne pour combattre pendant la Seconde Guerre mondiale.

En politique, à cette époque, de nombreux mouvements nationalistes agitent l’Europe et déchirent le continent.

Divers pays se proclament supérieurs à leurs voisins, ou victimes de blessures historiques, ou inventent des menaces imminentes à leur survie collective : les communistes, les juifs, les bourgeois et les anarchistes.

Des groupes sont montés les uns contre les autres, et le pouvoir est concentré dans les mains d’hommes forts politiques.

Dans la vraie vie, ma grand-mère Gohier vient d’une famille francophone bourgeoise et aisée du coin de Saint-Sauveur, mais a longtemps habité à Westmount (comme Jacques Parizeau). Ses parents sont propriétaires de terrains dans les Laurentides, et ont vécu une belle vie, pleine de confort.

En politique, le discours nationaliste québécois mentionne rarement ces histoires de succès francophone, qui étaient pourtant nombreuses. Le père de Pierre Elliott Trudeau, Charles-Émile, est un de ces hommes d’affaires qui a fait fortune au début du XXe siècle en construisant des stations d’essence avec plusieurs collègues francophones.

Il se mariera avec Grace Elliott, issue d’une famille mixte écossaise québécoise. La communauté écossaise est établie au Québec depuis le XVIIe siècle, et a toujours eu des liens serrés avec la majorité francophone.

Les biais du discours nationaliste

Dans le discours nationaliste, on préfère dire que les francophones étaient victimes des capitalistes et des industrialistes anglophones, en oubliant le conservatisme de l’Église catholique, l’analphabétisme, l’isolement rural ou les politiciens corrompus comme Duplessis.

On préfère se souvenir des vieilles madames de chez Eaton’s qui refusaient de servir les francophones et chaque petite anecdote de « Bonjour-Hi » reçu au centre-ville de Montréal, aux milliers d’interactions quotidiennes chaleureuses et respectueuses entre anglophones et francophones partout à travers la province.

Dans la vraie vie, mes grands-parents ont tout partagé. Ils ont vécu des hauts et des bas, comme n’importe quel couple marié. Leurs deux enfants ont appris le français dans les années 1950, et ont continué à le parler avec leur mère jusqu’à la fin de sa vie, en 2003.

Mon père et mon oncle ont tous les deux marié des anglophones dans les années 1970. Ils parlent en anglais avec leurs enfants à la maison, mais en français au bureau. Ils ont plein de bons amis francophones, mais aussi anglophones et immigrants.

Dans la vraie vie, la politique ne se mêle pas de leurs amitiés. Mais en politique, ce ne sont que des « anecdotes », comme dirait François Legault.

Dans la vraie vie, toute famille qui demeure au Québec pour plus de deux générations finira par éduquer ses enfants en français. Ils n’ont pas le choix à cause de la loi 101 : un succès qui assure la pérennité de notre belle langue.

Mais, en politique, on dresse un portrait toujours plus sombre de la situation, et on nous dit qu’on va disparaître, comme les francophones de Louisiane.

Dans la vraie vie, les communautés italiennes, grecques, portugaises et maghrébines parlent un excellent français et sont parmi les plus polyglottes d’Amérique du Nord. Mais, en politique, la CAQ dit qu’ils ne parlent pas français à la maison, et sont donc une source d’inquiétude pour notre société.

Dans la vraie vie, le Montréal des années 1800 jusqu’aux années 1970 était beaucoup plus anglophone qu’il ne l’est maintenant. Depuis 1971, 600 000 anglophones ont quitté le Québec.

Mais dans le discours nationaliste, on rejette l’idée que le français a pu progresser à Montréal, et on veut toujours plus de projets de loi.

En politique, dès qu’on croit entendre un peu plus d’anglais dans les quartiers centraux de Montréal, autour de McGill et de Concordia, on appuie sur le bouton « panique ».

On ignore si ce sont des touristes ou des étudiants d’été qui vont retourner en Ontario à l’automne, mais ça reste de l’anglais, et on se dit menacés.

Dans la vraie vie, les anglophones et francophones québécois collaborent et travaillent ensemble, trinquent, tombent amoureux et se marient.

Mais en politique, on continue de faire peur aux gens, de diviser et catégoriser à des fins partisanes.

Chers Québécois, méfiez-vous du nationalisme et de la politique.

Restons dans la vraie vie. Comme dirait ma grand-mère : « N’inquiétez-vous pas pour les anglophones : de toute façon, on va tous les marier. »

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