La sortie du premier ministre François Legault voulant que l’avenir de la langue française au Québec soit confronté à une grande menace, c’est-à-dire le scénario louisianais de l’effacement d’une langue, nous est apparue comme une détonation assez spectaculaire.

Bien entendu, pour faire sérieux, le gouvernement nous a présenté un tableau statistique de la situation en se disant préoccupé que certaines personnes parlent une autre langue que le français à la maison. S’agit-il d’une forme d’assimilation, de transfert linguistique, de perte de la langue française ?

Le premier ministre Legault nous présente une situation dramatique. La nation québécoise bascule dans l’insignifiant, soit la « cajunisation » de l’identité francophone, d’une langue menacée par l’anglais vouée à dépérir et s’exprimer dans la nostalgie d’un discours de la fierté et d’une culture folklorique. Joseph Facal écrit des « Cajuns qui jouent du banjo », mais souhaite plutôt parler d’une « acadianisation linguistique ». On a également vu un autre chroniqueur du Journal de Montréal nous dire que le Québec était tout simplement devenu un « gros Nouveau-Brunswick ».

Le Québec est une minorité assiégée et menacée comme les francophones hors Québec qui doivent veiller à ne pas se faire avaler par la majorité anglophone. Ce parallèle avec la condition du minoritaire francophone est devenu plus visible dans l’imaginaire québécois, perturbé par l’intrusion de l’anglais dans la vie de tous les jours. Il suffit de voir comment certaines personnes réagissent à la culture du franglais, sorte de chiac montréalais qui s’épanouit dans la culture urbaine.

Francophone assiégé

Cette histoire du minoritaire francophone assiégé, je la connais bien pour avoir passé une grande partie de ma vie à Moncton, au Nouveau-Brunswick, au sein d’une société acadienne à multiples facettes et compositions, ce qui me fait toujours réagir lorsque le Québec réduit l’identité au marqueur d’une certaine langue française.

Ce qui se joue ici est l’histoire d’un long développement du nationalisme québécois tel que présenté dans le documentaire de Francine Pelletier, Bataille pour l’âme du Québec. On rappelle que le nationalisme québécois s’est transformé depuis les années de la Révolution tranquille et du gouvernement péquiste de René Lévesque ; un nationalisme qui exprimait une ambition de faire société pour construire une société québécoise moderne. On connaît bien la suite de la partition. Quelque chose se passe après la défaite serrée de l’option de la souveraineté au référendum de 1995.

D’une part, on en veut aux autres, les immigrants, les Anglais, les accusant de ne pas appuyer le projet du Parti québécois. D’autre part, dans un court moment d’introspection, on reconnaît que la nation québécoise a évolué et qu’il est nécessaire d’engager une réflexion sur la transformation de l’identité québécoise influencée par des dynamiques plus globales, la mondialisation, la diversité ethnoculturelle, le nationalisme civique.

Cette ouverture sera de courte durée. Dans une période de turbulence, le nationalisme québécois se replie vers une défense de fondements ethniques de la nation québécoise. Il se propose de défendre les valeurs d’une nation assiégée par des demandes venues des « autres ».

Cette dichotomie entre le « nous » et le « eux » est étouffante. Elle ne permet pas de voir autre chose qu’une vision moniste de l’identité.

De façon surprenante, ce débat sur la langue et la gestion des pouvoirs en immigration ont remis au-devant de la scène la question de la souveraineté du Québec. Ramener cette question sur la scène ne plaît pas vraiment à la CAQ qui a dû rappeler l’importance de défendre la nation du Québec au sein du Canada. En revanche, comme stratégie électorale, le Parti québécois et les libéraux y voient un enjeu qui pourrait faire bouger les intentions de vote.

Il y a de l’insécurité dans l’air et cela ravive les lignes de fracture. Il me semble qu’il serait plus intéressant de regarder l’avenir avec une autre sensibilité que celle prêchée par les promoteurs du nationalisme identitaire. Il y a d’autres couleurs dans le paysage identitaire du Québec.

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