Si, comme tant d’autres, la seule évocation de la COVID-19 vous sort par les oreilles, dites-vous qu’on est encore loin du jour où l’on pourra parler de toute cette saga au passé. Ce qui n’empêche pas d’en tirer déjà de premiers bilans.

Un récent rapport nous permet de confirmer que si on collait l’une sur l’autre une carte de la pauvreté au Québec et une autre sur les régions et quartiers qui ont le plus souffert d’une certaine répression sanitaire, on croirait presque voir une photocopie.

Parmi les plus frappantes conclusions de son tout récent rapport, l’Observatoire des profilages (ODP) de l’Université de Montréal estime « que la gestion d’une crise sanitaire devrait reposer sur des mesures sanitaires justifiées, reconnues justes et équitables, et non sur des mesures coercitives et punitives qui renforcent les inégalités sociales et les discriminations ».

Après un premier rapport publié en mars traitant des données policières et d’une approche punitive qu’il jugeait inutilement alarmante face à la COVID-19, l’ODP s’est penché cette fois-ci sur les conséquences judiciaires des 31 845 constats d’infraction imposés entre mars 2020 et juin 2021 au Québec. Ce qui inclut le premier couvre-feu de cinq mois, qui est responsable à lui seul de près de 25 000 d’entre eux, alors que ce chiffre n’était que de 15 000 en Ontario, province pourtant presque deux fois plus populeuse.

Pour ne prendre qu’un exemple particulièrement criant, à eux seuls, les 18 à 24 ans en avaient accumulé 8500, alors qu’ils ne forment que 10,8 % de la population québécoise.

Avec près de la moitié des 15 000 Québécois interpellés contestant leur arrestation, il n’est pas difficile de s’imaginer les coûts astronomiques, la congestion et l’engorgement que cela aura sur notre système judiciaire et notre psyché collective, qui en ont autant besoin que d’une claque en pleine face.

Contrairement à d’autres provinces, les autorités sanitaires québécoises ne récoltent pas de données « ethno-raciales » sur les personnes qui ont reçu des contraventions en lien avec le non-respect des mesures sanitaires. Probablement pour éviter des accusations liées à du racisme réel ou supposé. Ces données permettraient pourtant de savoir si certaines communautés sont plus touchées que d’autres par le virus (raisons culturelles, réfractaires aux vaccins, mal informées, etc.) et si du profilage racial a eu lieu on non. La chercheuse principale, Céline Bellot, reconnaît elle-même que c’est une limite importante de son rapport.

On se souvient tous de cette saga (tragicomique) dans laquelle les groupes œuvrant auprès des sans-abri, en plus de contester le couvre-feu en lui-même, demandaient au moins à ce que ceux-ci en soient exemptés. En effet, nul besoin d’un postdoctorat pour savoir qu’il n’existe pas de réponse à la question « il est passé 20 h, rentrez chez vous » quand justement vous n’en avez point, de chez-vous. S’enfonçant dans sa bêtise, le premier ministre allait même jusqu’à prétendre que des citoyens « normaux » pourraient être tentés de se « déguiser » en sans-abri pour contourner la loi.

Quand on pense cinq secondes à tout le « glamour » qu’il y a à se faire passer pour un sans-abri en plein hiver pour aller en ville alors même que les dépanneurs fermaient à 19 h 30, il est difficile de ne pas rager devant pareil étalage de préjugés.

D’autant qu’on se rappelle que Raphaël André, un Innu, a été retrouvé mort gelé dans une toilette chimique par crainte de répression policière. Une sépulture somptueuse, oserais-je dire, quand on sait que bien des gens trouvent ces cabines bleues tout simplement trop répugnantes pour simplement s’y soulager.

Pour mémoire, il n’est sans doute pas superflu de rappeler que ce ne sont pas les protestations des groupes œuvrant avec les sans-abri ou même les critiques des médias qui ont fait changer de cap la CAQ. Malgré l’absence de toute preuve scientifique allant dans le sens de l’imposition d’un couvre-feu et les réticences mêmes de certaines directions de santé publique de la province, cela sans parler de la condamnation unanime de tous les acteurs de première ligne, il aura fallu un jugement de la Cour supérieure pour qu’on exempte les sans-abri de l’obligation de « rentrer chez eux » après 20 h.

Tous ces chiffres et constats – il y en a tant d’autres – font conclure à l’ODP par une critique émise dès le départ par tout le milieu communautaire : la CAQ créait « une réelle confusion entre un état d’urgence sanitaire et un état d’urgence sécuritaire […] et que les effets néfastes de cette approche ont tendance à davantage affecter les communautés marginalisées ».

Nous sommes certainement tous d’accord ici, il n’y a presque personne qui soit sorti grandi de cette pandémie. Mais pour ceux d’entre nous qui se noyaient déjà, était-il nécessaire d’en rajouter quelques louches ?

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