La pénurie de main-d’œuvre qui frappe le Québec, plus durement que les autres provinces, freine notre économie et prive les citoyens des nombreux biens et services auxquels ils s’attendent.

À la une de La Presse de samedi, l’éditorial de Stéphanie Grammond⁠1 a illustré les conséquences les plus dramatiques du manque de personnel dans le réseau de la santé. C’est d’autant plus déconcertant que la population vieillit et les besoins des personnes âgées iront en augmentant. Mais ce constat s’applique également à tous les services gouvernementaux, comme l’éducation, et à l’ensemble de notre économie.

Jusqu’à présent, il y a bien sûr eu des actions en vue de trouver des solutions à la pénurie de main-d’œuvre. Par contre, elles n’ont pas permis de régler le problème, notamment par manque d’intérêt envers l’immigration. Elles ont aussi été freinées par la perception que la pénurie de main-d’œuvre était un « beau problème », qu’elle ferait comme par magie augmenter les salaires et les conditions de travail pour tous.

On est loin de la réalité et la population réalise que cette situation inédite lui cause un tort énorme.

La pénurie de main-d’œuvre se traduit par des ruptures de services, des délais d’approvisionnement, et bien sûr, elle contribue à la spirale inflationniste. Rien de bien réjouissant !

Dans un sondage réalisé en avril dernier pour le compte des quatre grandes associations patronales québécoises (CPQ, FCCQ, FCEI, MEQ), 86 % des Québécois s’inquiètent des effets de cette pénurie sur la qualité, le prix et la disponibilité des biens et services qu’ils consomment. Dans cette même étude, on apprend que 70 % de nos concitoyens sont d’avis que l’augmentation de l’immigration est une nécessité. Pour un gouvernement qui mise sur l’acceptabilité sociale, cette donnée devrait faire réfléchir.

Remplacer les baby-boomers sur le marché de l’emploi

En utilisant les données fournies par le gouvernement depuis le début de la pénurie en 2017, nous savons que le départ à la retraite des baby-boomers nécessitera l’arrivée sur le marché du travail de plus de 1,4 million de personnes d’ici la fin de la décennie, chiffre d’ailleurs confirmé par le dernier recensement. Ces mêmes données nous révèlent que même en augmentant le taux de participation des personnes plus éloignées du marché du travail et en abaissant le chômage, pas moins du quart de ces emplois à pourvoir le seront par l’entremise de l’immigration. Vous avez pleinement raison de souligner qu’avec un taux de chômage bien en bas du plein emploi à 3,9 % et un taux d’activité des 25 à 55 ans qui frôle les 90 %, l’immigration, bien qu’elle ne soit pas la seule solution à la pénurie de main-d’œuvre, est notre planche de salut.

Depuis le début de la crise de la main-d’œuvre, notre organisation réclame une hausse significative des seuils d’immigration et une meilleure harmonisation des programmes fédéral et québécois.

Il nous faut réduire les délais et les incertitudes qui ternissent la réputation du Québec comme terre d’accueil des immigrants à la recherche d’emploi. Hélas, nous nous retrouvons avec un niveau record de postes vacants.

Notre immigration permanente est en baisse depuis les cinq dernières années, et un rattrapage s’impose. C’est ainsi que, en nous basant sur les données gouvernementales, nous avons demandé aux cinq partis politiques provinciaux que nous avons rencontrés cette semaine d’augmenter à au moins 80 000 immigrants par année nos seuils d’immigration pour au moins les quatre prochaines années. Nous avons peu à craindre de notre capacité d’accueil, un argument souvent utilisé pour refuser de voir la réalité. Pour plusieurs de ces immigrants qui sont déjà au pays à occuper un poste de façon temporaire, travaillent en français et sont intégrés dans leur communauté, ce sera une façon de lever l’incertitude qui plane sur leur avenir et celui de leur famille.

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