Il ne fait aucun doute que la santé mentale des Canadiens s’est fragilisée durant la pandémie, comme le dénote l’article de Joël-Denis Bellavance, paru dans les pages de La Presse du 4 mai.⁠1 Cependant, si on peut qualifier cette hausse des troubles de santé mentale de « pandémie », il est important de rappeler qu’une crise importante se déroule, au Québec, dans l’ombre : celle de l’augmentation de la consommation et des problèmes liés aux substances et d’un réseau qui peine à répondre à la demande.

Les statistiques le démontrent bien : la crise des surdoses a fait plus de 26 690 décès au Canada, entre janvier 2016 et septembre 2021⁠2, et la dernière Enquête québécoise sur le cannabis dévoile que la proportion de consommateurs a augmenté de 14 % à 20% depuis 2018.

La Maison Jean Lapointe suit la situation de près et a évalué l’évolution de la consommation d’alcool pendant cette période anxiogène grâce à trois sondages effectués par la firme Léger. À ce jour, ces sondages ont permis de mettre en lumière l’augmentation de la consommation en lien avec l’anxiété : plus d’un Québécois sur 10 qui consommait déjà de l’alcool avant la pandémie en a consommé une plus grande quantité au cours des trois derniers mois précédant l’enquête. De plus, le rapport de janvier 2022 montre que 43 % de la population adulte québécoise serait maintenant plus anxieuse qu’en décembre 2020. Le calcul est simple : plus je consomme, plus je risque de développer des problèmes et d’avoir besoin d’aide.

Devant des services qui peinent à survivre et des demandes d’aide grandissantes, la Maison Jean Lapointe a été proactive lorsque la pandémie a frappé. Dès mai 2020, un programme de traitement virtuel a été lancé pour remédier aux services fragilisés et aider les personnes qui demandaient de l’aide pour des problèmes liés aux substances. Malgré notre mobilisation, les listes d’attente sont encore longues pour recevoir de l’aide et le financement se fait rare. Pourtant, les troubles de l’usage de substances font partie du DSM-5… ⁠3

Nous saluons les initiatives des gouvernements provincial et fédéral et les fonds investis en santé mentale ; ces actions sont nécessaires. D’un autre côté, nous ne pouvons qu’espérer que les services d’aide aux personnes qui ont des problèmes de consommation sortiront de l’oubli et pourront bientôt bénéficier de ces interventions du gouvernement. En attendant, nous continuerons, comme nous le faisons depuis 40 ans, à déployer tous les efforts nécessaires pour tendre la main à ceux et celles qui en ont besoin.

1. Lisez « Une “pandémie en parallèle” au Canada » 2. Consultez le site du Centre canadien sur les dépendances et l’usage des substances

3. Le DSM-5, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, a été publié en 2015 par l’American Psychiatric Association

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