(Ottawa ) La pandémie de COVID-19 a provoqué « une pandémie en parallèle » : une hausse inquiétante du nombre de Canadiens qui souffrent de problèmes de santé mentale.

Mais l’accès à des services adéquats est déficient. Les délais sont trop longs. Des experts sonnent l’alarme à l’occasion de la Semaine de la santé mentale (du 2 au 8 mai).

« Il est illusoire de croire qu’on va pouvoir vivre une relance au niveau sociétal et au niveau économique sans s’occuper de la santé mentale des gens. C’est une condition sine qua non » affirme Michel Rodrigue, président et directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

« Les données sont claires : on fait face à une pandémie qui est en parallèle de troubles de santé mentale et d’usage de substances. Malheureusement, l’accès aux soins de santé mentale était déficient avant même la pandémie. Et maintenant, on se retrouve dans une situation où la santé mentale des Canadiens s’est détériorée. C’est donc un sujet sur lequel il est terriblement important de se pencher », a-t-il souligné.

Les jeunes familles et les enfants ont vécu des moments difficiles durant la pandémie. Ils risquent de souffrir des séquelles de la crise sanitaire pendant encore longtemps, selon lui.

C’est inacceptable dans une société riche comme le Canada et le Québec qu’on doive placer sur des listes d’attente des jeunes qui ont besoin de services de santé mentale.

Michel Rodrigue, PDG de la Commission de la santé mentale du Canada

Selon la CSMC, pas moins de 35 % des personnes salariées au Canada disent vivre de l’épuisement. Un travailleur sur cinq se sent en crise ou s’inquiète de sa capacité à composer avec la situation. Et au moins 30 % des demandes de prestations d’invalidité de courte ou de longue durée au pays sont attribuables à des maladies mentales ou à des problèmes liés à la santé mentale.

Durant la pandémie, la CSMC a aussi demandé à PricewaterhouseCoopers de mener des enquêtes à intervalle régulier pour mesurer la gravité de la situation. « Les données démontrent que 46 % des répondants affirment que les problèmes de santé mentale sont l’une des principales difficultés au travail. Chez les femmes, c’est encore plus élevé, à 50 % », a souligné M. Rodrigue.

Au moment où les provinces lèvent les restrictions sanitaires et où certains employés commencent à retourner au travail en présentiel, la CSMC a publié une trousse d’outils à l’intention des gestionnaires et des employés afin de réduire la stigmatisation associée à la santé mentale et favoriser un retour réussi notamment dans un contexte de milieu de travail en format hybride.

Consultez la trousse d’outils du gestionnaire

« On doit s’en occuper »

S’il salue la décision du premier ministre Justin Trudeau de nommer pour la première fois une ministre au sein de son cabinet responsable de ce dossier (Carolyn Bennett est ministre de la Santé mentale et des Dépendances), M. Rodrigue estime que les gouvernements doivent effectuer de nouveaux investissements pour améliorer l’accès à des services.

Je reconnais d’emblée que tous les gouvernements ont beaucoup de pression en santé. Mais c’est vraiment le temps de porter une attention à la santé mentale. Le bien-être des gens, si on veut se rétablir au niveau sociétal, au niveau économique, on doit s’en occuper.

Michel Rodrigue, PDG de la Commission de la santé mentale du Canada

M. Rodrigue s’est félicité que les principaux partis politiques aient abordé la question de la santé mentale lors des plus récentes élections fédérales. Il a dit espérer que cet enjeu soit aussi débattu lors de la campagne électorale qui s’amorce en Ontario en prévision du vote du 2 juin et durant celle au Québec plus tard à l’automne.

Dans une déclaration écrite diffusée dans le cadre de la Semaine de la santé mentale, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, et la ministre Carolyn Bennett ont affirmé que la pandémie « continue d’avoir des effets importants sur la santé mentale et les habitudes de consommation de substances des membres de notre famille, de nos amis et de nos collègues ».

« Maintenant plus que jamais, il faut que toutes les personnes au Canada puissent avoir accès aux services et au soutien dont ils ont besoin, ainsi qu’à des outils efficaces, notamment des renseignements crédibles et fiables sur la santé mentale et la consommation de substances », ont-ils soutenu.

Ils ont souligné qu’Ottawa investira 100 millions de dollars au cours des trois prochaines années afin de répondre aux besoins des populations touchées de façon disproportionnée par la COVID-19, en plus de consacrer 45 millions de dollars sur deux ans pour élaborer des normes nationales en matière de santé mentale de concert avec les provinces.

En savoir plus
  • 140 millions
    Somme accordée au cours des deux prochaines années par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, dans son plus récent budget, pour que Santé Canada puisse continuer à offrir du soutien virtuel en matière de santé mentale et de consommation de substances par l’intermédiaire du portail Espace mieux-être Canada.
    Source : ministère des Finances du Canada