Ce texte parle des comportements du régime de Pékin et non de la population chinoise qui mérite toute notre solidarité en ces temps de confinements drastiques qui provoquent beaucoup de stress et d’anxiété. En effet, la population est surtout une victime de ce régime autocratique qui ne lésine devant aucun moyen pour faire respecter cette liberticide et incompréhensible politique du zéro COVID-19. Pourquoi le régime de Pékin s’entête à croire que cette stratégie est tenable ? Certainement aussi pour ne pas perdre la face devant le monde occidental qui le regarde.

Souvenons-nous du voile d’opacité entourant les débuts de cette pandémie à Wuhan. Rappelons-nous les tromperies et mensonges qui, comme le souligne la spécialiste Sonia Shah dans son bouquin intitulé Pandémie, reprennent les mêmes scénarios douteux qui avaient accompagné les débuts du SRAS en Chine, en 2002. Dans un édifiant passage de son livre, l’auteure relate comment les autorités chinoises ont nié l’émergence du SRAS et raconté des sornettes à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et même empêché ses équipes d’enquêteurs d’inspecter les hôpitaux militaires où se trouvaient les malades du SRAS.

C’est la même irresponsabilité qui a empêché la planète de contenir rapidement l’expansion de la COVID-19. En voulant contrôler le message et cacher la vérité, les autorités chinoises ont laissé le SARS-CoV2 prendre l’avion et se répandre généreusement dans le monde. Ce faisant, elles plongeaient aussi la planète dans une des crises les plus marquantes de l’histoire moderne de l’humanité. Ensuite, avec une efficacité redoutable, le régime de Pékin a jugulé la première vague avant d’ouvrir son économie et de regarder de loin le reste de l’humanité se dépatouiller avec ce virus et toutes les tensions sociales qui y ont accompagné la gestion de la pandémie.

Au pic de cette turbulence, on entendait presque Pékin rire dans sa barbe en voyant les manifestations et les fractures sociales provoquées par le confinement, les masques et autres restrictions temporaires imposées dans les démocraties libérales.

Le gouvernement de Xi Jinping est même allé plus loin. Puisqu’il avait le contrôle de la grande majorité des fabriques de matériel sanitaire, il a profité de la panique planétaire pour lancer sa diplomatie des masques et décider qui méritait ou pas de recevoir du matériel de protection. Pendant cette traumatisante première vague, il fallait montrer patte blanche et courber le dos pour s’attirer ses faveurs. Pour les nations plus critiques à son égard, Pékin mit sur pied une agressive riposte communicationnelle qui fut relayée par ses diplomates. La sinophobie, les sanctions économiques et un nouveau « narratif » sur l’origine du virus seront au menu de cette offensive concertée. Le premier ministre australien, Scott Morrison, a goûté à cette cuisine. En osant demander une enquête sur l’origine du virus et dénoncer les cachotteries du régime chinois au début de la pandémie, il a été sévèrement intimidé à coups de sanctions économiques. Partout dans le monde occidental, dès que le politique abordait ce sujet, Pékin ripostait en parlant de l’incompétence des gouvernements occidentaux qui gagneraient à apprendre de la Chine à mieux lutter contre le virus.

Maintenant, le vent commence à changer de bord et la pandémie a décidé de retourner dans l’empire du Milieu qui l’avait vue naître. Rien ne va plus pour le régime de Pékin, confronté de plus en plus à un ras-le-bol ostensible de la population. Pour la première fois depuis longtemps, on sent Xi Jinping et ses amis dans des sables mouvants. Leur stratégie zéro COVID nécessite beaucoup de restrictions et risque de faire de gros dommages sociaux et économiques. Comment protéger la population presque vierge de toute contamination contre les variants qui se disputent maintenant le dernier grand pays à conquérir ? La Chine est restée derrière une « impénétrable » muraille sanitaire pendant que le reste du monde en voyait de toutes les couleurs avec la pandémie.

Maintenant que le virus bute contre une certaine immunité collective dans une grande partie de la planète, y compris le monde occidental, la Chine, sans anticorps et à la vaccination déficiente, est devenue le territoire de toutes les possibilités pour le SARS-CoV-2.

Je vois ici une image qui me rappelle les transhumances de ma jeunesse. Quand j’étais berger, vers le mois de juillet, lorsque l’herbe se faisait rare dans notre région à cause du broutage des herbivores, il fallait bouger avec les zébus et aller voir ailleurs. Le troupeau devenu famélique, papa envoyait mon frère Niokhobaye pour une longue période de transhumance à la recherche d’endroits un peu plus généreux. Ces derniers réservoirs d’eau et d’herbe voyaient alors converger beaucoup de bergers de la région qui avaient eu la même bonne idée que nous. Tous ces troupeaux entraient en compétition et se disputaient ce nouveau territoire comme les souches du SARS-CoV-2 se partagent la Chine. Comme nos vaches, après avoir mangé tout ce qu’il pouvait grignoter dans le reste du monde, le virus est retourné en Chine où l’attendait une gigantesque population vierge de toute contamination à cause de la coûteuse stratégie du zéro COVID. Il sera très difficile de mettre à l’abri cette nouvelle niche écologique devenue pour les troupeaux de variants l’endroit où l’herbe est désormais plus verte qu’ailleurs.

Le temps a passé et les nations occidentales ont connu d’énormes turbulences sociales, économiques et sanitaires. Que voulez-vous, pas facile de lutter contre un virus pandémique lorsque le culte des droits individuels fait oublier les obligations envers la collectivité.

Maintenant que le ciel se dégage ici, un gros nuage se forme au-dessus de la Chine. Est-ce que le fait de confiner si sévèrement des dizaines de millions de personnes empêchera le virus de progresser ? L’histoire nous le dira. Mais, en attendant, je suis solidaire de tous ces gens qui hurlent dans leur appartement sans avoir le droit de manifester ou de sortir. Ces gens qui sont surveillés par des robots et des drones au nom d’une peur trop idéologique du virus. Diriger les gens par la peur et la désinformation a ses limites.

Le mensonge peut faire deux semaines de route, la vérité finit par le rattraper en une journée. Ainsi disait mon grand-père.

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