Avec le dépôt demain du budget qui servira de plateforme électorale au Parti progressiste-conservateur, les Ontariens commenceront à se préoccuper du scrutin du 2 juin. Outre les différents enjeux de politiques publiques, c’est le leadership des chefs de parti qui retiendra principalement leur attention.

Beaucoup d’électeurs votent avant tout pour un chef de parti plutôt que pour un candidat local ou un parti politique. Dans le contexte ontarien, chaque chef possède son propre style de leadership et ses traits de personnalité créent des défis particuliers.

Ford et son leadership relationnel

Le premier ministre progressiste-conservateur Doug Ford a adopté un style de leadership relationnel. Il excelle dans ce qu’on appelle « la politique de la vente au détail », dans le sens qu’il est bon pour interagir individuellement avec les électeurs. Il copie ainsi le style de son défunt frère et ancien maire controversé de Toronto Rob Ford, connu pour sa facilité à tisser des liens avec les gens.

Ford a beaucoup été critiqué pour ses multiples volte-faces, que ce soit concernant le racisme systémique ou la fermeture des écoles durant la pandémie. Or, l’humilité avec laquelle il admet s’être trompé démontre qu’il est à l’écoute du public. L’erreur étant humaine, les changements de position du premier ministre peuvent donner l’impression qu’il est « comme tout le monde » et qu’on peut sympathiser avec ses erreurs. Une qualité que l’on voit rarement en politique de nos jours.

Le leadership relationnel de Ford s’est fait remarquer depuis plusieurs années, alors qu’il invitait des citoyens à le contacter directement sur son numéro de téléphone personnel.

On se rappellera que l’hiver dernier, il a aidé des automobilistes coincés dans la neige. Bien que ce coup médiatique ait été décrié par plusieurs comme opportuniste, il a toutefois montré le premier ministre dans sa zone de confort.

Ford semble cependant moins à l’aise dans un contexte plus institutionnalisé comme Queen’s Park. Tout au long de son mandat, on lui a reproché de ne pas se présenter souvent à la période des questions et ainsi d’éviter de s’exposer aux critiques de l’opposition.

Pour s’assurer de décrocher un deuxième gouvernement majoritaire, Ford devra donc montrer aux électeurs qu’il peut assumer de grandes responsabilités d’État comme limiter les effets néfastes de l’inflation sur le pouvoir d’achat des citoyens.

Del Duca et son leadership rassembleur

Quant au chef libéral Steven Del Duca, il essaie d’adopter un style de leadership rassembleur. On a vu cette approche déployée ces derniers mois, par exemple lorsqu’il a organisé un colloque non partisan portant sur la pénurie de personnel dans les hôpitaux ou lorsqu’il n’a pas exclu la possibilité de collaborer avec le Nouveau Parti démocratique après l’élection. En se positionnant comme un leader ouvert travaillant pour le bien commun, il veut montrer qu’il représente une solution de rechange viable à Ford.

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Le chef du Parti libéral de l’Ontario, Steven Del Duca

Pour un politicien qui se dit être un joueur d’équipe, on a souvent eu l’impression que Del Duca était un one-man-show en se présentant souvent seul sur le podium. Quand il a pris les rênes du Parti libéral, celui-ci était réduit à sept sièges législatifs. Toutefois, au fur et à mesure qu’il remplit sa liste de candidats pour la prochaine élection, on remarque que Del Duca est de plus en plus entouré en conférence de presse.

Même si de nombreux Ontariens s’identifient comme libéraux et que le Parti libéral de l’Ontario se positionne en deuxième place dans les intentions de vote, Del Duca, qui est chef depuis maintenant deux ans, peine à se faire connaître du public.

Selon les sondages, les Ontariens ne le connaissent pas ou peu. Del Duca aurait donc intérêt à vendre plus sa personne et ses idées originales comme leader plutôt que de mettre l’accent sur son équipe et la prise de décision consensuelle.

Horwath et son leadership de conviction

Andrea Horwath, la cheffe du NPD et de l’opposition officielle à Queen’s Park, affiche un leadership de conviction et se bat passionnément pour ses idéaux de justice sociale. Son style de leadership semble être payant, car elle est plus populaire que son propre parti qui se place derrière le Parti progressiste-conservateur et le Parti libéral dans les intentions de vote !

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Andrea Horwath, cheffe du NPD de l’Ontario et de l’opposition officielle

Au cours de la dernière décennie, Horwath a minimisé la rhétorique idéologique néo-démocrate et tenté de charmer la classe moyenne de l’Ontario. Il n’en demeure pas moins qu’elle doit convaincre les Ontariens que la province peut assumer plus de dépenses, nécessaires à la mise en œuvre de ses promesses idéalistes. Ce qui pourrait s’avérer difficile dans le contexte d’une pandémie où les dépenses du gouvernement ont explosé.

Le défi de Horwath sera de démontrer qu’elle et son parti sont des options crédibles pour former le prochain gouvernement.

Elle tentera aussi pour la quatrième fois de devenir première ministre en juin prochain. Si elle n’améliore pas la performance de son parti lors de la prochaine élection, elle pourrait bien se faire montrer la porte à moins qu’elle ne décide de partir de son propre gré.

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