Le gouvernement de la CAQ vient tout juste de déposer un projet de loi pour « protéger la liberté académique universitaire ». La loi exigera entre autres que les universités établissent une politique afin d’assurer cette liberté dans leur établissement.

Voilà de bonnes nouvelles, mais on ne peut pas penser pour autant que le sujet de la libre circulation des idées à l’université est clos. En fait, deux problèmes, qui ne sont pas les moindres, demeurent toujours malgré les promesses de ce projet de loi.

Autocensure

Le premier est que ce n’est pas parce qu’une loi légifère dans le sens de cette liberté que soudainement l’autocensure disparaît.

Rappelons que parmi les répondants au questionnaire commandé par la Commission sur la reconnaissance de la liberté académique, 35 % ont affirmé avoir pratiqué l’autocensure en évitant certains sujets.

C’est bien sûr la pression des pairs et des étudiants qui cause l’autocensure, et on peut penser que la loi n’y changera rien.

En fait, les professeurs et enseignants de tous les niveaux s’autocensurent suivant un calcul assez simple qui n’a rien à voir avec une quelconque pièce de législation : est-ce que les problèmes qu’apportera un sujet sensible valent la peine de l’aborder ? Mais surtout : est-ce que d’aborder un tel sujet nuira à ma réputation de « scientifique » ?

Ceux qui ont une conception quelque peu romantique de l’enseignement défendront l’importance d’aborder le sujet sensible coûte que coûte. Les plus cyniques, eux, chercheront tout simplement à donner leur cours dans une paix relative. Soyons tristement réalistes en reconnaissant que c’est le cynisme qui prend très et trop souvent le dessus sur le romantisme.

Un processus de sélection qui favorise l'homogénéité

L’autre problème qui nuit à la libre circulation des idées à l’université est le processus de sélection des professeurs. C’est que les candidats sont choisis par un comité de sélection composé par d’autres professeurs.

Le comité de sélection peut donc ne retenir que les candidatures qui souscrivent à certaines idées. On le voit d’ailleurs avec la question des critères en « équité, diversité et inclusion » (ÉDI) dont on a récemment parlé avec l’Université Laval. Pour ne donner qu’un exemple, l’adhésion à l’idée de représentation raciale et de quotas, bien que loin de faire consensus, est maintenant obligatoire dans les chaires de recherche du Canada.

Il va donc de soi qu’un universitaire qui serait fortement critique de telles mesures deviendrait virtuellement exclu du processus de sélection.

Une fois embauché, on reconnaîtra certes au nouveau professeur le droit de ne pas adhérer aux critères ÉDI, plusieurs professeurs l’ont d’ailleurs fait ces dernières semaines au risque de passer pour des parias dans leur département. Mais il demeure qu’on l’aura sélectionné sur la base qu’il y adhère. Il serait donc pour le moins surprenant que le nouveau professeur retourne sa veste et critique les critères qui lui ont permis d’être embauché.

À une époque où on parle sans cesse des fameux biais inconscients qui favoriseraient la sélection de candidats qui partagent des similitudes avec le comité de sélection, on ne peut passer sous silence ce processus qui tend à homogénéiser sur le plan idéologique le corps professoral.

Une institution vraiment libre ?

Il ne fait aucun doute que la liberté universitaire sort gagnante de ce projet de loi. Toutefois, le manque de diversité d’opinions continue d’être un problème criant à l’université et c’est bien là le nerf de la guerre en matière de liberté universitaire. Pour que l’institution soit véritablement libre, il faut que des professeurs de tous les horizons idéologiques mènent leurs recherches sur les sujets les plus variés.

Dans le cas contraire, on pourra avoir toutes les lois que l’on souhaite sur la liberté universitaire, mais si aucun professeur n’en prend la prérogative en remettant en question les dogmes et les idéologies à la mode, aussi bien dire que ces lois sont inexistantes. La liberté universitaire est nulle si non utilisée.

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