Pour leurs 94e cérémonie et après deux ans de pandémie, les Oscars allaient enfin revêtir leurs plus beaux atours. Petite fille, je demandais à mon père d’enregistrer les cérémonies et me repassais en boucle les moments forts, drôles, émouvants sur cassette VHS. Je rêvais de ces stars aux grands rôles, de leur élégance dans de sublimes tenues, de leur vie magique…

Des années plus tard, cette passion pour les Oscars et Hollywood m’amena à consulter plusieurs livres sur le sujet. Derrière les paillettes, il y a un bien triste revers, et c’est à la lecture de ces ouvrages que j’ai commencé à y voir plus clair.

Ce sont surtout mes trois années passées à Los Angeles qui ont terni l’image que je m’en faisais. Ma fascination absolue s’en est allée. Malgré tout, je ne rate jamais cette grande soirée glamour, même si je sais que tout est artificiel, fabriqué et superficiel. À Hollywood, tout est faux.

Depuis longtemps

Derrière le « glitz et le glam », les studios de l’âge d’or d’Hollywood contrôlaient tout, notamment les futures stars, prêtes à n’importe quoi, même à vendre leur âme au diable pour devenir célèbres et « make it big ».

Des contrats draconiens empêchaient de travailler ailleurs pendant plusieurs années. Une star avait la quasi-obligation d’accepter les rôles proposés sous menace de briser sa carrière. Ce fut notamment le cas de Bette Davis, suspendue par Warner Brothers.

Les studios disposaient du pouvoir absolu, celui d’imposer un nouveau nom pour les aspirantes starlettes, comme Marilyn Monroe, de changer le look ou le timbre de voix. Lauren Bacall développa une voix grave et envoûtante pour sortir du lot. Une clause de maintien de poids figurait aussi aux contrats.

On créait de toute pièce une image qui se limitait souvent chez les femmes à « la fille d’à côté » ou à « la bombe sexuelle », et il n’était pas rare d’inventer un passé plus accrocheur, voire mélodramatique.

Cette ingérence allait même jusqu’aux histoires amoureuses ou aux mariages arrangés pour promouvoir films et carrières.

Le contrat de Jean Harlow avec MGM comprenait une clause de moralité l’empêchant de se marier pour ne pas nuire à son image de séductrice redoutable. Après son mariage en 1941, Judy Garland n’a pas eu droit à une lune de miel, le studio n’approuvant pas son union.

Des pénalités existaient si une actrice se retrouvait enceinte. Certaines en ont fait les frais, comme Ava Gardner le mentionne dans sa biographie, préférant l’avortement au courroux des producteurs.

Quand une star ne faisait plus l’affaire, on n’hésitait pas à lancer les pires rumeurs désobligeantes sur elle pour s’en débarrasser ou la mettre intentionnellement sur une voie de garage, à la faire jouer dans des navets.

Engrenage malsain

Mes années à Los Angeles furent faites de rencontres et de situations à la fois heureuses et enivrantes, peu banales, mais souvent dures et décevantes.

J’ai assisté à des réunions où mes managers évoquaient sans complexe la possibilité de me « matcher » pour faire avancer le train plus rapidement. Ma situation personnelle n’importait pas. Mon amoureux de l’époque, jeune réalisateur et scénariste, n’était pas assez connu et « bankable ». Il fallait m’inventer une autre histoire. J’ai préféré m’éloigner de cet engrenage malsain.

Quand je vois Jennifer Lopez quitter son ex et se retrouver trois minutes plus tard au bras d’un autre, je m’interroge sur la finalité des équipes de relations publiques qui restent à mon avis inchangées, que l’on soit en 1940 ou en 2022. À la veille d’une sortie de film, les « arrangements » sont de mise.

Ce qui frappe le plus à Hollywood, c’est l’admiration sans bornes pour l’argent, le succès et l’obsession de tout ce qui brille.

Le « star system » obnubile le microcosme hollywoodien. Que l’on soit dentiste, jardinier, prof, restaurateur ou serveur, tous aspirent au statut privilégié de vedette. Les discussions tournent vite en rond et frôlent souvent la vacuité intersidérale.

Il faut sans cesse être sur le qui-vive. Toute rencontre peut être une occasion qu’on ne voudrait surtout pas manquer. Les rapports humains sont intéressés, chacun voit l’autre dans l’intérêt qu’il pourrait susciter. La rapacité l’emporte sur l’amitié.

Il m’en reste un manque d’authenticité et un sens de l’opportunisme démesuré que je ne souhaitais pas avoir.

Sauf pour de mauvaises raisons, la dernière cérémonie des Oscars ne passera pas dans les annales.

Les côtés plus lumineux de cette cérémonie (entre autres, voir briller les nôtres, Denis Villeneuve, Patrice Vermette, Roger Frappier) ont été gâchés par le geste inadmissible de Will Smith : un acte violent, déplacé, sans classe, que les propos idiots de Chris Rock ne justifiaient pas.

Je ne peux que douter de l’honnêteté de Will Smith dans son discours de remerciement, de ses larmes, de ses émotions, de son invocation à Dieu et à l’amour…

Parce qu’à Hollywood, tout s’arrange avec le gars des vues… et des relations publiques.

Tout est factice, même les excuses ?

Son prochain film, s’il y en a, s’appellera peut-être « La loi du talion ».

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