En décembre dernier, le chroniqueur Francis Vailles nous informait de l’importante pollution causée par le 1 % des plus riches⁠1 ; ces derniers polluent 19 fois plus que les 50 % moins nantis et neuf fois plus que la classe moyenne.

En janvier, François Delorme – un collaborateur du GIEC –, est arrivé au même constat. La conclusion est ferme : il faut un budget carbone pour discipliner les riches.

Avant d’entrer dans les détails, faisons un tour d’horizon de la principale mesure d’écofiscalité : la taxe carbone.

Au fédéral, tout comme pour la bourse carbone au Québec, les grands pollueurs doivent payer pour le carbone qu’ils émettent. Ce mécanisme a pour but de diminuer la pollution générée par les entreprises. À titre d’exemple, les matériaux polluants comme l’acier et le béton deviennent ainsi plus coûteux pour les entreprises. Celles-ci sont ainsi contraintes de se tourner vers des matériaux moins polluants comme le bois, diminuant leur impact carbone, tout en maximisant leur profit.

Plus élevée est la taxe carbone, plus vertes seront nos entreprises.

Toutefois, cette taxe a également pour effet d’augmenter le niveau général des prix ; une partie de la facture est refilée aux consommateurs. C’est d’ailleurs pour cela que les gouvernements sont si timides et sous-utilisent l’écofiscalité.

Pour contrer cet aspect, le gouvernement fédéral offre un crédit d’impôt aux familles et aux individus à faibles revenus. D’ailleurs, la plupart des ménages reçoivent plus d’argent qu’ils n’en paient1. Le gouvernement du Québec a opté pour une autre approche : réinvestir l’argent de la taxe carbone dans la transition énergétique.

Cela dit, bien que cette approche verdisse nos entreprises, rien ne garantit que les individus diminuent leurs émissions polluantes, surtout les nantis à vrai dire. Ces derniers n’ont souvent pas de budget contraint. Cela signifie qu’une hausse de la taxe carbone, et donc du niveau des prix, n’amènera pas forcément une diminution de la quantité consommée (donc des GES émis). Je doute que le prix à la pompe soit un facteur de décision pour l’achat d’une Maserati.

Le hic réside dans le fait qu’avec l’objectif de carboneutralité d’ici 2050, il faudra diminuer nos émissions de GES de manière draconienne. La taxe carbone est un outil de prédilection pour y arriver. Cependant, si les plus riches continuent de polluer à outrance, il faudra que la classe moyenne se serre davantage la ceinture. Cela me semble éthiquement non justifiable. En quoi la richesse devrait-elle permettre à un individu de polluer à sa guise ?

C’est ici que prend racine le budget carbone. Alors que la taxe carbone vise à diminuer la pollution de nos entreprises, le budget carbone met un plafond aux émissions des nantis.

Cela nous permettrait d’éviter de vivre dans un monde à la Blade Runner où seuls les riches s’autoriseraient à polluer, et donc à consommer.

La logistique d’un budget carbone peut paraître complexe. Mais soyons honnêtes, nous connaissons la quantité de fer contenue dans le Nutella... mais pas la quantité de carbone inhérente à la production de certains biens, alors que cela implique la mort de milliers d’innocents chaque année.

En ce sens, chaque article devrait être étiqueté avec son empreinte carbone, de telle sorte que lors de nos achats, la quantité de carbone consommée serait inscrite sur notre facture, sous la TPS et la TVQ. Ce ne serait pas un coût financier, mais un coût puisé dans un autre budget : notre budget carbone. Ce dernier pourrait être visible via notre plateforme bancaire, tout comme nous voyons notre solde de carte de crédit. Solde utilisé, solde restant.

La pollution moyenne d’un habitant de la Terre s’élève à quatre tonnes de GES ; ce nombre atteint 10 au Québec et 20 au Canada. Le plafond d’émissions pourrait (devrait) diminuer annuellement afin de converger vers une quantité plus moralement justifiable, disons cinq tonnes d’ici 2050. Bien entendu, les parents se verraient offrir un budget carbone plus généreux, et nos aînés pourraient en être exemptés.

Cette proposition peut sembler audacieuse, mais elle n’est qu’une solution de taille à un problème de grande ampleur.

Considérant le tueur silencieux qu’est la crise climatique, ainsi que des changements radicaux exigés pour rester sous 1,5 degré Celsius, il devient impératif d’agir. Or, rien ne nous oblige à avoir une transition inégale ; faisons de cette transition un monde inclusif où tous peuvent prospérer. Un budget carbone, c’est un pas de plus vers cet idéal.

1. Lisez Francis Vailles : « Un budget carbone pour discipliner les riches » 1. Lisez l’article « Most Canadian households to get more in rebates than paid in carbon tax : PBO » (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion