Il y a un sérieux problème d’équité dans l’attribution des ressources d’aide au logement, particulièrement les logements sociaux.

Pour atteindre une société plus juste, nous devrions nous assurer que l’aide serve en priorité les plus défavorisés selon la gravité des situations, puis que chaque personne dans ladite situation reçoive une aide égale : sans-abri, femmes victimes de violence, personnes ayant des troubles de santé physique ou mentale, ménages ayant des problèmes multiples ou des contraintes sévères à l’emploi, aînés en perte d’autonomie, etc.

Le logement, un problème politique

Le problème du logement fait couler beaucoup d’encre, notamment depuis la pandémie. Beaucoup de personnalités politiques et médiatiques ont parlé de crise du logement. Les partis politiques à tous les échelons (municipal, provincial, fédéral) y vont de différentes affirmations. Les partis plus à gauche sur l’échiquier présentent le logement comme un droit, formulant certains engagements en vue des élections. Il y a quelques jours, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a lancé une campagne de sensibilisation qui a récolté 500 signatures, dont des artistes ayant une forte notoriété.

Nos politiciens ont souvent tendance à mettre de l’avant les problèmes de logement lorsqu’ils sont suffisamment proéminents au point d’affecter la classe moyenne. On cherche à « retenir les familles », soutenir la « classe moyenne » dans son rêve d’accéder à la propriété. La cherté des loyers fait les manchettes.

Toutefois, le fait que 300 000 ménages québécois (1 locataire sur 5 à Montréal) sont considérés comme ayant des besoins impérieux de logement suscite moins d’émoi, pourtant le chiffre est assez frappant. Mais l’on se résigne un peu en arguant qu’il s’agit d’un problème cousin de la pauvreté. Et la pauvreté, certains ont déjà dit, non sans ironie, qu’il y en aura toujours…

Dans un contexte où le marché privé ne réussit pas à satisfaire ce besoin humain fondamental pour tous et toutes, la réalisation du droit au logement est largement laissée entre les mains des dirigeants politiques, maîtres de l’allocation des ressources. Depuis la création de la Société d’habitation du Québec dans les années 1960, l’aide au logement ne reçoit qu’autour de 1 % du budget des provinces, sauf en de rares exceptions. En comparaison, plus de la moitié des budgets provinciaux sont consacrés à la santé et à l’éducation, des enjeux touchant les classes moyennes et supérieures.

Mieux cibler l’aide

Dans un texte sur le ciblage des politiques de logement, j’expliquais comment les politiques de trois provinces, dont le Québec, s’étaient recentrées au profit des personnes plus vulnérables. Le ciblage s’est fait progressivement et de manière quasi simultanée, depuis les années 1980, faisant relativement consensus auprès des acteurs gouvernementaux et même chez les militants de tout le pays. Les programmes d’aide au logement ne soutiennent pas moins de ménages, au contraire, mais ils ciblent mieux les plus démunis afin que chaque précieux dollar de fonds publics aille aux bonnes personnes. Cela dit, je crois que cet effort vers une meilleure utilisation des fonds publics pourrait être étendu encore davantage aujourd’hui.

La douzaine d’années que j’ai passé à étudier ces programmes de logement social au Canada a révélé plusieurs conclusions non anticipées. Les logements publics HLM, les logements communautaires (organismes sans but lucratif et coopératives), les programmes axés sur l’aide directe aux ménages, comme l’allocation-logement, ont tous une longue histoire. Ces instruments du « coffre à outils » ont bien des faiblesses, mais aussi plusieurs forces souvent méconnues du grand public. Règle générale, les HLM et les allocations-logement permettent de soutenir en priorité les ménages les plus vulnérables, bien que certains OSBL se consacrent exclusivement aux femmes victimes de violence, sans-abri, personnes avec de lourds troubles de santé, etc. Les subventions aux promoteurs privés peuvent s’avérer un peu vaines si l’abordabilité des logements n’est pas garantie pendant au moins quelques décennies.

Et en plus des programmes gouvernementaux précités, qui engagent des dépenses pour le trésor public, il est possible d’intégrer d’autres mesures plutôt réglementaires comme la limitation des « rénovictions », l’instauration d’un registre des loyers mis à jour annuellement, le gel des loyers en période de pandémie, les règlements sur le zonage favorisant la densité, etc.

En tant que société, nous devons nous poser ces questions : qui est le plus à risque de se retrouver sans logis ? Qui est confronté aux plus grandes barrières pour accéder à un logement convenable et abordable sur le marché ? Ces réponses doivent guider l’attribution des subventions et la priorisation des clientèles, pas l’image ou la perception des groupes bénéficiaires, quels qu’ils soient.

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