Avoir des oublis ou carrément perdre la mémoire inquiètent bon nombre de personnes aînées. Si ces troubles cognitifs n’ont pas encore de traitements efficaces, ils peuvent toutefois être évités, retardés ou limités. L’éducation, le contrôle des risques vasculaires et des modifications de comportements peuvent prévenir l’apparition de problèmes cognitifs et même retarder l’apparition d’une maladie cérébrale dégénérative.

La maladie d’Alzheimer est probablement la condition que redoutent le plus les personnes aînées. Avec les autres maladies dégénératives qu’on appelle les démences, elle affecte de 5 à 8 % des personnes de plus de 65 ans. La fréquence de ces maladies augmente rapidement avec l’âge et le vieillissement de la population entraînera donc une explosion du nombre de personnes atteintes.

Ces maladies entraînent des conséquences importantes, si bien qu’on estime qu’elles sont responsables de 12 % des années vécues en incapacités. Elles provoquent souvent une perte d’autonomie qui nécessite une admission en institution d’hébergement. On doit aussi considérer leur impact sur les personnes proches aidantes, tant en matière de santé que de répercussions psychologiques et même financières. Les traitements médicamenteux disponibles ont un effet au mieux modeste sur ces conditions. Certaines personnes présentent une amélioration transitoire ou un état qui se stabilise, mais pour une durée assez limitée.

Les troubles cognitifs légers sont encore plus fréquents (de 15 à 20 %) et sont aussi associés à l’âge. Bien qu’ils ne se présentent que sous la forme de simples oublis sans conséquences fonctionnelles, ils sont sources d’inquiétudes puisqu’une certaine proportion évoluera vers une maladie dégénérative.

On commence à mieux comprendre le mécanisme d’apparition de ces troubles cognitifs bénins et des démences. D’une part, on parle de réserve cérébrale : plus on active les fonctions cognitives, plus le cerveau développe des connexions entre les neurones.

Ainsi, le niveau d’éducation d’une personne et ses activités intellectuelles augmentent cette réserve. Si la réserve est forte, il faudra plus de temps avant de l’entamer de façon significative et la pente du déclin sera moins prononcée.

D’autre part, certaines agressions au cerveau détruisent ou endommagent ses cellules. Le mécanisme de l’accumulation de déchets produits par les cellules comme l’amyloïde ou la protéine tau sont moins bien connus. En revanche, celui des atteintes vasculaires, traumatiques ou inflammatoires est bien démontré. Le lien entre les démences et l’hypertension, l’hyperlipidémie, le diabète, l’obésité et les traumatismes crâniens s’explique par cette voie.

La connaissance de ces mécanismes stimule les scientifiques à découvrir de nouveaux traitements. Mais elle ouvre surtout la voie à la mise en œuvre immédiate de stratégies efficaces de prévention. On estime que des facteurs de risque modifiables expliquent 40 % de la fréquence des démences et des troubles cognitifs légers. Ces facteurs sont : l’éducation, l’hypertension artérielle, la sédentarité, le diabète, le tabagisme, l’obésité, la consommation immodérée d’alcool (plus de 21 consommations par semaine), le peu de contacts sociaux, les traumatismes crâniens, la surdité, la dépression et la pollution atmosphérique. Si l’éducation intervient plutôt au jeune âge, la prévention des traumatismes crâniens ou le contrôle de maladies comme l’hypertension, le diabète, l’hyperlipidémie ou l’obésité doivent se poursuivre tout au long de la vie. La cessation du tabagisme, le contrôle de la consommation d’alcool, la pratique régulière d’activités physiques ou la participation sociale sont des comportements encore favorables à une saine cognition même à la retraite. Enfin, détecter et traiter une surdité ou une dépression peuvent améliorer le fonctionnement cérébral. Par ailleurs, de nombreux travaux explorent l’impact d’activités visant à stimuler les fonctions intellectuelles afin de maintenir ou d’améliorer la réserve cérébrale.

Ces facteurs expliquent sans doute la diminution de la fréquence des maladies cérébrales dégénératives au cours des dernières décennies dans les pays développés car les nouvelles générations sont plus éduquées, ont une meilleure alimentation et adoptent des comportements plus sains.

Des études cliniques ont démontré l’efficacité de programmes préventifs multidimensionnels à empêcher sinon retarder l’apparition de la démence et des troubles cognitifs légers.

Ces programmes allient le contrôle des facteurs de risque avec la stimulation intellectuelle et la participation sociale. S’ajoute aussi l’adoption de saines habitudes nutritionnelles, notamment le régime méditerranéen qui favorise la santé cardiovasculaire. Une étude canadienne utilisant une stratégie numérique et des conseils personnalisés se met actuellement en place pour confirmer l’impact d’un tel programme auprès de personnes de plus de 60 ans.

Les troubles cognitifs, la maladie d’Alzheimer et les autres démences sont des conditions qui altèrent la qualité de vie lors du vieillissement et entraînent des répercussions considérables sur les victimes, leurs proches, le système de soin et la société. Alors que les traitements se font encore attendre, on peut prévenir ces conditions en augmentant notre réserve neuronale par l’éducation et le maintien d’une activité intellectuelle ou en diminuant les attaques contre notre cerveau en contrôlant des comportements ou des maladies nocives. S’entraîner physiquement et intellectuellement, mieux s’alimenter ainsi que maintenir une participation sociale sont probablement le secret d’une vieillesse en santé et allumée.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion