« Le pouvoir est une drogue qui rend fou quiconque y goûte », a dit un jour François Mitterrand.

À cette citation, Pascal de Sutter, professeur de psychologie à l’Université de Louvain-la-Neuve, expert auprès de l’OTAN et auteur de Ces fous qui nous gouvernent, d’ajouter : « À moins qu’il ne faille être fou pour accéder au pouvoir ? » L’auteur raconte que la mégalomanie, la paranoïa, les trahisons et la folie sont des traits de caractère très communs dans les hautes sphères du pouvoir. Je ne donnerai pas ici d’exemple, mais je suis certain que vous avez plein d’images de dirigeants détraqués qui vous passent par la tête. Parmi les vivants, l’auteur s’intéresse entre autres aux cas de George W. Bush, Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy.

Rappelons ici qu’à Bush, on doit l’horrible et mensongère guerre en Irak et à Sarkozy, la catastrophe libyenne qui a déstabilisé tous les pays du Sahel, confrontés désormais au péril djihadiste.

Depuis très longtemps, dit l’auteur, la CIA établit les profils de leaders politiques. Disons qu’après Hitler, les Américains avaient compris qu’il était important d’entrer dans la tête de leurs amis, comme celle de leurs adversaires, pour mieux les cerner et anticiper leurs actions en cas de pépin. On analyse les discours, dissèque le non-verbal, décortique les expressions faciales et étudie la gestuelle. On questionne aussi les amis et les adversaires pour brosser un portrait psychologique fiable de la personnalité politique. Pascal de Sutter est allé à la rencontre des spécialistes américains de la question et a interrogé les meilleurs experts mondiaux de la psychologie pour écrire ce bouquin consacré aux détraqués qui dirigent ou ont dirigé des nations.

Je présume que cette nécessité s’est accentuée depuis l’élection de Donald Trump. Combien de psychologues et psychiatres ont remis en question la santé mentale de l’ancien président des États-Unis en parlant de personnalité narcissique, vaniteuse, instable, aux idées incohérentes, etc. ? Voir ce crakpot devenir président des États-Unis nous fait réaliser qu’être détraqué peut vraiment aider à se faire élire. D’ailleurs, cette semaine, si on en croit la chaîne CNN, les services de renseignement américains disent s’intéresser plus que jamais à la santé mentale de Vladimir Poutine, que Donald n’a cessé d’admirer. Essayez de retrouver sur la toile les images des deux généraux qui étaient à l’autre bout de la longue table lorsque Poutine a évoqué les armes nucléaires. J’ai personnellement figé la scène pour prendre une photo du mélange de surprise et d’incompréhension des deux militaires de haut rang lorsqu’ils ont entendu le président raconter avoir mis en alerte les forces nucléaires de dissuasion. Leur visage disait : « On savait, Vladimir, que tu étais détraqué, mais pas à ce point-là. »

Même si son ami et premier fan Donald Trump dit de lui qu’il est très intelligent, l’ego démesuré de Vladimir le mégalo lui a joué un tour, car il pourra très difficilement occuper l’Ukraine. L’histoire récente de l’humanité nous enseigne qu’on ne peut pas occuper durablement le pays d’un peuple fier qui veut rester libre et défendre la terre de ses ancêtres. Surtout quand le pays en question est habité par 40 millions de personnes qui tiennent à leur culture, à leurs traditions et à leur histoire. L’exemple de l’Afghanistan aurait dû faire école auprès de Vladimir et le dissuader d’utiliser l’invasion militaire pour régler ce contentieux avec le monde occidental.

Successivement, les Britanniques, les Soviétiques et les Américains, qui croyaient pouvoir faire en Afghanistan ce que Poutine essaye d’achever en Ukraine, ont fini par quitter Kaboul la queue entre les deux jambes.

Faire tomber un gouvernement plus faible quand on est une puissance militaire comme la Russie ou les États-Unis, c’est relativement facile. C’est après que les choses se compliquent. C’est une fois les soldats envahisseurs dans la rue, avec les quartiers qui abritent des milices qui rêvent de leur faire la peau, que commencent véritablement les affres de l’occupation. Pendant la deuxième invasion américaine de l’Irak, il a fallu une quinzaine de jours de bombardements pour décapiter le régime et la sculpture de Saddam. L’Amérique a perdu beaucoup de soldats et a été obligée de plier bagage des années plus tard.

Cette épouvantable guerre avait fait plus de 100 000 morts. Sans être un spécialiste de la chose, il est permis de penser que c’est le même scénario qui attend Poutine advenant une décapitation du régime de Kyiv. Vladimir pourrait-il garder l’Ukraine, dont les habitants sont si combatifs, sous contrôle russe ? En plus, avec les lourdes sanctions économiques imposées à son pays, si la guerre de Poutine devait s’éterniser, une grande partie des ressources du pays y serait engloutie au détriment des services à sa population. Les Russes forment un peuple résilient, capables d’endurer beaucoup, mais quand ils en ont marre, l’histoire a démontré qu’ils ne font pas les choses à moitié, y compris les révolutions.

L’ego de Poutine le mégalo l’aurait-il empêché de calculer ce que coûte ce type de guerre avant de lancer ses troupes sur l’Ukraine ? Selon certaines sources, si on combine les guerres en Irak, en Syrie et en Afghanistan, l’Amérique aurait dépensé quelque 6400 milliards depuis 2001. À elle seule, la campagne afghane aurait coûté plus de 2300 milliards au Trésor américain. Ajoutez à cette somme incommensurable les fortunes dépensées par des Forces internationales d’assistance à la sécurité (FIAS), sous l’égide de l’OTAN, qui au pic de leur présence rassemblaient de nombreuses autres nations, dont l’Albanie, l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, la Lituanie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède, la Tchéquie et la Turquie.

Pour compléter la comptabilité, il faut aussi ajouter les dépenses des forces onusiennes qui mobilisaient une trentaine d’autres nations représentées par de plus petits groupes de soldats. Cette guerre afghane a englouti une gigantesque fortune. Pourtant, des résistants du pays ont fini par reprendre le pouvoir sur la terre de leurs ancêtres. On se souvient tous du chaotique départ de l’Amérique et de ses alliés de l’aéroport de Kaboul en 2021. Une fin de campagne dont les images rappellent drôlement la chute de Hô Chi Minh-Ville, appelée aussi Saigon.

Le Viêtnam n’est-il pas un autre exemple rappelant qu’on ne peut pas durablement occuper de force la terre d’un peuple fier et patriotique ?

Imaginez ce que l’humanité aurait pu faire avec cette fortune engloutie dans ces affrontements opposant les ego démesurés, paranos, détraqués et assoiffés de pouvoir et de domination qui dirigent la planète. En cette semaine où le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) nous annonce que le réchauffement climatique est encore plus rapide que prévu et que notre marge de manœuvre pour ne pas cramer la biosphère est devenue très étroite, imaginez ce qu’on aurait pu faire s’il y avait plus de gens intelligents, sensibles, bienveillants et empathiques dans les hautes sphères du pouvoir. Disons que ce rapport tombe mal, car malheureusement, même en ces temps où les bombes tombent sur les innocents, la dépendance aux hydrocarbures n’est jamais loin dans les préoccupations. Elle explique même en grande partie la tolérance des Européens envers les dérives de Vladimir Poutine. Même lorsqu’est venu le temps de sanctionner la Russie de Poutine, il fallait marcher sur des œufs et trouver une façon d’exclure les hydrocarbures de l’équation. C’est ça qui est ça !

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