Monsieur le Ministre Roberge,
En mémoire de nos multiples discussions et de nos échanges, j’aurais pu amorcer ma lettre en commençant par « cher Jean-François », mais j’ai opté pour les formalités et le décorum qui reviennent au rôle de votre fonction.

Je salue tout le mérite qui vous revient pour vous être maintenu à la barre du ministère de l’Éducation depuis les élections de 2018. D’une part, aucun ministre n’a occupé ce siège aussi longtemps que vous depuis M. Claude Ryan de 1985 à 1990. D’autre part, je ne me rappelle pas qu’un pédagogue issu de la base – une école primaire – ait eu l’occasion de siéger à la tête de ce ministère comme de nombreux médecins et économistes ont siégé à titre de ministres de la Santé ou de l’Économie. Vous avez apporté une stabilité certaine nonobstant la conjoncture sanitaire que nous connaissons tous. Chapeau M. Roberge !

Bien que j’aie quitté votre réseau pour vivre de nouvelles expériences professionnelles enrichissantes, je suis demeuré informé et observateur critique du réseau scolaire québécois par sympathie pour d’anciens collègues et un souci continu pour les milliers d’élèves québécois.

C’est avec consternation que j’ai pris connaissance, la semaine dernière, des comportements qui ont perduré pendant de nombreuses années à l’école secondaire Saint-Laurent malgré les signalements de plusieurs membres du personnel.

En apprenant que les observations des sévices que subissaient les élèves ont été ignorées par la direction de l’école, cela m’apparaît comme de la négligence professionnelle. Quand, de surcroît, cette même direction d’école s’emploie à blâmer âprement et de manière menaçante une intervenante responsable de veiller à la santé des élèves qui se présentait comme une sonneuse d’alerte, cela devient du harcèlement et au bout du compte, c’est le bien-être de jeunes adolescentes qui était en jeu. Dans un tel contexte, je m’interroge pour savoir quelles sont les obligations des différents corps professionnels qui interviennent auprès des élèves. De quelle protection disposent-ils quand l’un d’eux se retrouve dans l’obligation de signaler une urgence ? Puis à l’opposé, quelles sont les limites à la juridiction et à l’autorité d’une direction d’école sur son personnel dans le réseau scolaire québécois ?

Ces interrogations précédentes m’amènent, M. Roberge, à me rappeler nos nombreux échanges de 2010 à 2013 à savoir qu’attendons-nous pour créer une structure qui puisse veiller à l’intérêt et au bien-être de chaque élève en régissant les rôles et les responsabilités professionnelles de chaque corps d’emploi à caractère pédagogique dans le réseau scolaire.

Une telle structure aurait pu intervenir pour protéger la « sonneuse d’alerte » et prévenir ainsi que les abus qu’avaient déjà subis des élèves se poursuivent.

Quelles ont été l’utilité et la portée du « protecteur » de l’élève dans cette triste histoire ?

Pour aller plus loin, il faut aller en amont et penser à celles et ceux qui supervisent les directions des écoles. Bien qu’il puisse alléguer ne pas avoir été informé, le conseil exécutif qui supervisait la direction d’école n’a-t-il pas lui aussi une responsabilité dans cette honteuse histoire ? N’était-il pas un devoir pour de hauts gestionnaires de bien s’informer de manière à réagir en fonction de la qualité des services qui sont prodigués dans leurs établissements scolaires ?

Ainsi, Monsieur le Ministre, qu’avez-vous mis en place depuis votre élection pour mettre de l’ordre dans un réseau scolaire à l’intérieur duquel nous observions, vous et moi, des dérives et de la négligence ?

La restructuration des commissions scolaires pour en faire des centres de services n’est pas une panacée. À mon humble avis, et comme nous en discutions ensemble il y a plus de 10 ans, le Québec a bien plus besoin d’un ordre professionnel qui accompagne les pédagogues québécois à l’aide d’un cadre déontologique et éthique que d’un obscur « protecteur » de l’élève.

Enfin, nous ne devons jamais oublier que chaque élève compte !

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