Je suis né et je vis toujours à Wendake. Ces terres, ceux qui les habitent et ceux qui nous ont précédés ont façonné la personne que je suis aujourd’hui.

Petit-fils du défunt grand chef Émile Picard, j’ai été élu chef délégué du Conseil de la nation huronne-wendat en 1998. Je travaille depuis à la réconciliation ainsi qu’à la reconnaissance territoriale et de nos droits issus des traités en favorisant une bonne compréhension de notre histoire collective et en tissant des liens entre Autochtones et allochtones.

Ce travail a toujours été important, mais jamais n’a-t-il été aussi essentiel.

À ce sujet, je dois reconnaître la découverte récente de milliers de tombes anonymes sur les sites d’anciens pensionnats. Il est aussi important de se souvenir de Joyce Echaquan et des préjugés qu’elle a subis et qui ont mené à sa mort.

Ces évènements suscitent un sentiment d’horreur. Pour les Autochtones, ils rouvrent d’anciennes blessures. Nous ne pouvons plus ignorer la vérité concernant les sombres chapitres de notre passé. Nous devons réfléchir sérieusement à notre histoire collective et aux conséquences néfastes du colonialisme.

Les gouvernements ont créé il y a longtemps des politiques et des lois pour déposséder les peuples autochtones de leurs droits collectifs et de leurs terres afin de permettre aux premiers colons d’en prendre possession.

Ces politiques coloniales ont rendu illégale toute pratique du mode de vie traditionnel des Autochtones avec un objectif d’assimilation. Vers la fin du XIXe siècle, nous sommes passés du statut de partenaires de la Couronne à des sujets infantilisés.

Même si les pensionnats au Québec ont ouvert leurs portes plus tardivement que dans le reste du pays (de 1937 à 1991), ils furent bel et bien créés dans un effort d’assimilation forcée. Les enfants étaient arrachés à leur famille et placés dans ces écoles sous l’égide de l’État et des communautés religieuses. Au moins deux générations d’anciens élèves vivent encore aujourd’hui et doivent composer avec les séquelles de ce traumatisme. Les répercussions sont intergénérationnelles et se manifestent encore sous forme de discriminations et de préjugés.

Je n’ai jamais fréquenté un pensionnat autochtone. Je suis allé à l’école de ma réserve, puis j’ai fait la transition vers une école publique vers l’âge de 11 ans. C’est à ce moment qu’il est devenu très clair pour moi que nous étions considérés comme « différents ». Cette différence était ancrée jusque dans nos traditions et nos légendes. Pour la première fois, je pouvais nous voir dans le regard de l’autre. Nous étions stigmatisés.

La réconciliation, c’est l’affaire de tous

Les peuples autochtones sont à l’avant-garde du mouvement de vérité et de réconciliation depuis des générations. Notre courage et notre résilience nous ont permis de mobiliser les gouvernements et de faire reconnaître nos droits et nos titres. Cependant, tous les Québécois sont concernés par les décisions des premiers gouvernements.

La réconciliation est une responsabilité collective composée d’actions individuelles qui permettra de revenir aux racines de notre relation respectueuse.

Je suis consultant depuis plus de 20 ans, et je suis encouragé de voir les dirigeants d’entreprise prendre des engagements notables en matière de vérité et de réconciliation.

Telus a notamment entrepris un parcours pluriannuel visant à intégrer la vérité et la réconciliation avec les Autochtones dans toutes ses sphères d’activité. J’ai été témoin des actions de l’entreprise, qui a approfondi ses discussions avec les dirigeants, les aînés et les collectivités autochtones. Guidée par les cadres pour la vérité et la réconciliation (comme les 231 appels à la justice et les 94 appels à l’action), Telus a mis en œuvre son premier plan d’action pour la réconciliation.

Nous n’avons pas oublié la terre

Au cours des derniers siècles, notre identité nous a été en grande partie volée, mais ces dernières années, le vent a tourné.

Max Gros-Louis, grand chef de la Première Nation de Wendake pendant 33 ans, a largement contribué à redéfinir l’identité autochtone au Québec en valorisant notre singularité et notre diversité. Il fait partie des premières figures de proue du processus de réconciliation, notamment parce qu’il s’est opposé au Livre blanc de 1969 qui visait à réduire à l’anonymat l’identité des peuples autochtones. En portant notre culture et nos traditions avec conviction, Max Gros-Louis a fièrement représenté TOUS les peuples autochtones.

Grâce à lui ainsi qu’à d’autres leaders, les Autochtones célèbrent aujourd’hui leurs différences, leurs similitudes et leur résilience. Le combat pour notre survie et pour la reconnaissance de nos terres nous unit.

Je ne crois pas que je verrai de mon vivant se concrétiser ma vision de la réconciliation, soit l’autonomie des peuples autochtones pour leurs terres, ressources et programmes. Il faudra certainement tout un siècle pour opérer ce changement.

Une chose est toutefois certaine : notre histoire doit être racontée pour que nous puissions faire la paix avec elle dans le futur. Sans viser la perfection, travaillons ensemble pour laisser aux prochaines générations un héritage qui repose sur la compassion et l’espoir.

* Luc Lainé est diplômé de l’Université Laval en sociologie et en droit des affaires, il travaille activement à promouvoir la réconciliation et la cause autochtone depuis 30 ans. Il a été le premier francophone à coprésider l’Assemblée des Premières Nations et fut chef de cabinet du grand chef Max Gros-Louis. Durant son mandat en tant que chef délégué du Conseil de la nation huronne-wendat, il a réformé le code électoral et de gouvernance qui s’inspire maintenant des traditions et de l’histoire de sa nation en accordant un rôle central à la famille.

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