Chaque fois qu’on commence à voir la lumière, un mutant qui secoue nos certitudes et fait voler en éclats nos espoirs se pointe la couronne. Quand on y pense, il y a une grande leçon d’humilité à tirer de cette vulnérabilité face à cette force invisible qui sème la pagaille planétaire.

Il faut que je vous parle de ce temps microbien qui fait aussi la force des pathogènes devant nos systèmes de protection. Une étude réalisée par le Laboratoire adaptation et pathogénie des micro-organismes (LAPM) de Grenoble avait démontré qu’en 24 années de suivi de leur reproduction, des bactéries avaient produit 55 000 générations. Ce qui est en temps humain, où une génération dure 25 années, l’équivalent à deux millions d’années d’évolution. Ce qui veut dire qu’une année dans la vie de cette espèce bactérienne, Escherichia coli, équivaut à près de 84 000 années humaines. Or, il y a 84 000 ans, il y avait d’autres espèces d’humains, dont l’homme de Neandertal. Des variants qui ont fini par tirer leur révérence pendant l’odyssée du mutant Homo sapiens qui était plus fort. Entre Omicron et Delta aussi, l’histoire nous dira très vite qui gagnera la compétition pour l’occupation de la biosphère.

Une année dans la vie d’une bactérie ou d’un virus, c’est l’éternité qui donne l’occasion de muter abondamment et de générer ces variants adaptatifs qui nous terrorisent. Autrement dit, quand nous sortons de nos laboratoires une molécule antibiotique ou un produit chimique dont on vante la capacité à exterminer 100 % des germes dans ces publicités où on vaporise les tables de cuisine ou les sofas, les bactéries rigolent en parlant de la grande prétention de l’espèce humaine. En plus de leur gigantesque expérience de plus de trois milliards d’années, ces microbes ont aussi l’avantage du temps pour contourner tous les obstacles sur leur chemin. En quelques semaines seulement, les bactéries peuvent voir apparaître un mutant qui résiste à la nouvelle molécule sortie de nos pharmacies. Comme la nature les a dotées aussi d’un efficace système de partage de compétences par des échanges de morceaux d’ADN circulaires appelés plasmides, cette nouvelle résistance peut se répandre rapidement dans leurs colonies. Le temps est donc un allié de cette évolution rapide des microbes qui provoquent ces paniques planétaires à chaque découverte d’un nouveau mutant du SARS-CoV-2.

Se reproduire pour un virus, c’est un peu comme se photocopier dans les cellules qu’il parasite. Malheureusement, à force de se photocopier, il arrive que de petites erreurs changent le sens du message à certains endroits de son génome.

Si le changement est mineur, le contenu du message reste entier. Il n’y a donc pas de grandes différences entre la photocopie et l’original. Nous sommes d’ailleurs chanceux, car contrairement à d’autres agents infectieux comme les virus grippaux, celui responsable de la COVID-19 mute plus lentement. En cause, il possède une enzyme de réparation qui permet, jusqu’à une certaine limite, de corriger ces petites erreurs de photocopie. Disons que cette enzyme, appelée poétiquement une exoribonucléase, corrige des mots et ajuste la ponctuation pour garder le sens du message original plus ou moins intact.

Malheureusement pour nous, il arrive qu’une mutation majeure modifie significativement le code génétique du virus et, par conséquent, sa façon de nous infecter. Lorsque ce changement – attribuable au hasard – persiste et permet au microbe de mieux s’adapter à son environnement, la sélection naturelle triomphe et Darwin sourit dans sa tombe. Une mutation peut rendre un virus plus dangereux, mais peut aussi nuire à la survie du microbe transformé devant un plus fort que lui. Ainsi, depuis peu de temps, le monde retient son souffle devant le combat de l’heure qui oppose Omicron à Delta. Heureusement, le docteur Anthony Fauci est presque catégorique : Omicron n’est pas plus dangereux que Delta. Sa seule déclaration a fait sautiller de joie les marchés boursiers. Ce qui en fait, en passant, une personne qui, pendant toute la durée de la pandémie, devrait être soumise aux autorités des marchés financiers.

Il paraît donc que le nouveau variant ne tue pas plus que son prédécesseur, qui a pris toute la place. Cette nouvelle a déclenché des soupirs temporaires de soulagement planétaire. Pour combien de temps ? Personne ne sait, mais faut vraiment que ça finisse et j’ai une proposition dans ce sens. On va demander à Justin Trudeau de nous sortir de ce cauchemar. Oui, je sais qu’il en a encore plein les bras avec le chaos qui se joue dans les aéroports et les milliers de Canadiens qu’il a emmurés précipitamment dans les pays africains, mais il a aussi le devoir de terminer la pandémie. Pourquoi ? Pendant la dernière campagne électorale, il a répété abondamment que le Parti libéral était le seul capable d’en finir avec la pandémie. Maintenant qu’il a été élu, c’est le temps de livrer sa promesse mystificatrice. J’ai bien dit mystificatrice, car le plus que Justin peut faire, c’est aider à mieux traverser les tempêtes qui se succèdent. Pour pouvoir terminer la pandémie, il aurait fallu, entre autres, que Justin intègre dans le SARS-CoV-2 un programme pour corriger toutes les erreurs de photocopie pendant sa reproduction dans les cellules humaines. En d’autres termes, Justin devrait s’exorubonucléiser. Souhaitons-lui la meilleure des chances.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion