Depuis plusieurs mois, exacerbé par la pandémie, l’actualité foisonne d’avis de personnes et d’organisations, politiciens inclus, préoccupées par les défis de société que présentent l’itinérance chronique, la désaffiliation, la pauvreté et le manque de logements décents. Une réalité particulière au milieu urbain, mais qui étend désormais tristement ses frontières. Ces thèmes ont d’ailleurs animé le débat des récentes campagnes électorales.

A priori, il est encourageant de constater que nous devenons collectivement conscients des personnes en difficulté et qu’un certain consensus semble émerger quant au fait que celles-ci ont souvent empiré leur sort durant cette crise sanitaire sans précédent. Par ailleurs, il est déconcertant de constater que les mesures proposées pour y répondre continuent de favoriser invariablement la mise en place de réponses d’urgence ponctuelles.

En quel honneur n’avons-nous pas encore compris que ce n’est pas en reproduisant les mêmes réponses, qui se sont avérées sous-optimales, que nous contribuerons réellement à changer les choses ?

Il y a pourtant un vieux dicton stipulant qu’il vaut mieux acheter un bateau neuf que de s’épuiser à écoper une vieille barque qui prend l’eau.

Malheureusement, notre réponse aux enjeux de rupture sociale, d’itinérance, de pauvreté, de faim, et j’en passe, se résume encore à considérer que quelques groupes communautaires, sous-financés par l’État, vont à eux seuls ramer et s’occuper des personnes en marge de la société.

Un réflexe qui d’ailleurs conditionne les organismes communautaires à fonctionner en vase clos, à se concurrencer pour obtenir les financements souvent insuffisants et à mettre en place des services répondant principalement aux urgences.

Travailler en réseau

Pourquoi ne pas plutôt s’allier et travailler en réseau et développer un continuum de services et de solutions ?

En effet, il est illusoire de penser que les banques alimentaires à elles seules peuvent résoudre le problème de la pauvreté, pas plus que les haltes-chaleur ou des abris temporaires ne pourront avoir raison de l’itinérance chronique.

Les files s’allongent ? Qu’importe, on ajoute un fonds d’urgence. Ainsi, nous avons développé la fâcheuse habitude d’alimenter le problème plutôt que de tenter de le résoudre. Pire, nous nous sentons légitimés et encouragés d’agir ainsi devant la demande croissante pour nos services.

Le filet de sécurité sociale du Québec est tissé d’un réseau fragile d’organismes communautaires très indépendants, sous-financés et ayant des liens aléatoires avec le réseau de la santé, mais également avec les municipalités.

Il est l’heure de se rassembler autour d’un nouveau type de réflexion et d’approche. Nous devons prendre le taureau par les cornes et nous attaquer aux causes de la précarité dans leurs fondements et de façon systémique.

Posons-nous la question classique : comment concevrions-nous des services-clés pour les personnes défavorisées en partant d’une feuille blanche ? Parions que notre réponse ne se résumerait pas à ouvrir davantage de banques alimentaires et de refuges temporaires. Nous conserverions ceux-ci, certes, car ils jouent un rôle important, mais nous imaginerions aussi d’y ajouter des contributions de d’autres ordres visant à faire en sorte que les personnes qui passent par ces services s’en sortent.

Des initiatives à l’impact éphémère

Pendant plus de 50 ans, nous avons cru que la « charité » était la façon logique de répondre aux plus démunis. Nous avons donc encouragé les activités caritatives sans les inscrire dans un mode solutions. À titre d’illustration, à l’approche des Fêtes, nous faisons une fixation sur les collectes de vêtements et les guignolées. Des initiatives louables, mais aux impacts malheureusement éphémères.

Plutôt que de nous concentrer sur un des aides d’urgence essentielles, mais sans effet pérenne sur l’amélioration du sort des personnes en cause, pourquoi ne pas concevoir un continuum cohérent de services pouvant fonctionner en tandem avec le réseau de santé, par exemple ?

En fait, nous devrions être encouragés à nous retrousser les manches ensemble car l’ampleur des défis sociaux auxquels nous sommes confrontés au Québec demeure possible à endiguer si nous agissons. Nos défis sont complexes, comparé à d’autres régions urbaines en Amérique du Nord, mais nous sommes en meilleure position pour y répondre.

Alors, que nous manque-t-il pour agir ?

Des décisions politiques en amont et des changements structurels sur le terrain. Pour ce faire, évidemment que l’argent demeure important et il en faudrait toujours plus, mais tous s’entendront pour dire que d’écoper plus vite un bateau qui prend l’eau a peu de chances de nous amener à bon port. Qui plus est, dans un contexte où les ressources seront toujours limitées, il convient de les utiliser judicieusement.

Finalement, promouvoir une culture ne reposant que sur l’assistanat revient à essayer de maintenir à flot un navire qui coule.

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