Au cours des derniers jours, plusieurs médias ont rapporté qu’une opération de pillage a eu lieu sur un site culturellement important pour la Nation W8banaki (Abénakise), site de rassemblements, d’échanges et de sépultures. Site témoin d’occupations du passé, inscrit dans les mémoires des ancêtres depuis plusieurs générations. Ce dernier se trouve sur le campus de l’Université Bishop’s⁠1.

Quand de tels actes sont commis, cela est particulièrement confrontant. Il est difficile de ne pas penser que même dans la mort, les peuples autochtones ont une importance de second ordre, notamment par le fait que les sites de sépultures autochtones ne bénéficient d’aucune protection particulière tant du provincial que du fédéral.

Dans le cadre de cette situation, il convient d’abord de préciser que du réconfort a été trouvé dans tout le respect et l’incarnation même de la relation que l’Université Bishop’s a développée au fil du temps avec la Nation. Ils nous ont écoutés et entendus sincèrement. L’Université a reconnu il y a quelque temps déjà que son campus est situé sur le territoire w8banaki et elle s’est comportée de façon cohérente à la reconnaissance alors effectuée. Elle s’est d’ailleurs engagée à faire une surveillance accrue des lieux afin d’éviter que des pilleurs y conduisent des opérations supplémentaires.

Le terme pilleur vous choque ? Au Québec, la Loi sur le patrimoine culturel encadre les différents travaux archéologiques pouvant être effectués. L’article 68 de cette même loi prescrit que : « Nul ne peut effectuer sur un immeuble des fouilles ou des relevés aux fins de rechercher des biens ou des sites archéologiques sans avoir au préalable obtenu du ministre un permis de recherche archéologique et avoir payé les frais établis par règlement du gouvernement pour l’étude de sa demande de permis. » ⁠2 Ainsi, une personne sans un tel permis ne peut être considérée, à mon sens, autrement que comme un pilleur.

Le pillage est un acte commun, voire banalisé, où il y a un laxisme notable dans l’application de la loi. Ce ne sont pas des actes isolés ni uniques à la Nation W8banaki.

De nombreux pilleurs à l’échelle de la province procèdent sans scrupule au dépouillement de la richesse collective qu’est le patrimoine archéologique, peu importe la nature des sites visés. Pour nombre d’entre eux, ce ne sont que des objets supplémentaires à ajouter à leur collection ou destinés au marché noir sans égard à la destruction des différents contextes dans lesquels ces mêmes objets sont retrouvés. Encore moins avec une certaine considération pour les peuples autochtones pour qui c’est le passé même de nos ancêtres qui nous est dérobé – celui qui n’est, la plupart du temps, pas écrit dans les différents manuels d’histoire.

Les photos d’artéfacts prélevés circulent allègrement sur différents sites internet, sans aucune gêne, faute de réelles conséquences. Même une fois avisé de la présence récurrente de pilleurs à certains endroits spécifiques, le ministère de la Culture et des Communications ne fait que prendre acte. Pourquoi une telle légèreté dans la protection accordée au patrimoine, qu’il soit autochtone ou non ?

Est-ce que la ou les personnes qui ont commis les gestes sur le site de Bishop’s connaissaient la valeur du site pour la Nation W8banaki ? Dans l’absence de certitude à cet effet, il m’apparaît possible de laisser planer le doute, bien que cela ne pardonne en aucun cas les gestes posés. Cependant, si ces mêmes personnes avaient respecté les modalités de la loi, elles auraient eu à demander un consentement à Bishop’s, considérant que le site est situé sur sa propriété privée. L’Université aurait par la suite avisé la Nation de ce projet potentiel et il aurait été alors fort simple de transmettre un avis comme quoi ce site, par la présence de sépultures, ne doit faire l’objet d’aucune fouille.

C’est véritablement grâce à des collaborations avec différents propriétaires terriens que la Nation assure une certaine protection sur les différents sites de sépultures, car ni la Loi sur le patrimoine culturel ni la Loi sur les inhumations et les exhumations, par exemple, n’accordent un statut particulier de protection pour ces sites de sépultures.

Ainsi, faute de divers engagements avec des particuliers, il n’existe aucune garantie que ces sites recevront une quelconque considération.

Dans cette ère de réconciliation, ne serait-ce pas le temps d’ouvrir les diverses législations et prévoir que les lieux de repos des ancêtres des différents peuples autochtones puissent bénéficier du respect qui devrait leur revenir, même si ces sépultures ne sont pas dans des cimetières ? Il me semble que nous ne devrions pas avoir à convaincre de la nécessité d’une telle protection.

Wliwni (se dit olé-oné), Merci !

Wli nanawalmezi ! Prends bien soin de toi !

1. Lisez le texte de La Tribune 2. Consultez l’article de la Loi sur le patrimoine culturel Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion