Alors que le Québec tente de composer avec la désormais manifeste négligence grave qui a été observée dans les CHSLD en début de pandémie, évitons de pointer trop rapidement dans une direction donnée. Sans l’ombre d’un doute, les personnes qui tirent les ficelles d’en haut ont pris des décisions douteuses, mais la désolation dépasse largement l’évidence même. D’une certaine façon, nous sommes globalement responsables de ce qui s’est passé.

Le dernier rapport de la protectrice du citoyen du Québec marque une étape importante pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné dans la chaîne de commandement et pourquoi tant de personnes ont perdu la vie inutilement.

Des réactions impulsives précipitées, le manque de personnel, l’absence de formation et d’équipement de protection individuelle, ainsi que des erreurs de calcul sont au nombre des conclusions sur lesquelles notre gouvernement et notre système de santé doivent maintenant se pencher.

Les leçons difficiles tirées de ces choix malencontreux entraîneront assurément des changements dans le mode de fonctionnement des CHSLD de la province. Le rapport fait de nombreuses recommandations à cet égard. Toutefois, ce n’est que la pointe de l’iceberg, un pansement sur une plaie béante.

Comme le diraient les personnes qui ont passé leur carrière à prendre soin des populations vulnérables en première ligne des soins de santé, les évènements désolants qui se sont produits dans les CHSLD résultent d’une bombe à retardement.

Le coronavirus n’était peut-être pas prévisible, mais les conséquences d’une négligence assidue des populations stigmatisées, elles, l’étaient. Il est honteux de constater qu’il a fallu une pandémie mondiale et des milliers de morts pour que les gouvernements et la société en général remarquent ce qui nous pend au bout du nez depuis des décennies.

Stigmatisation et silence

La situation dans les CHSLD qui a nécessité l’intervention de la Protectrice du citoyen date de bien avant la pandémie. L’alarme sonne depuis des années sans être entendue. L’humanité ferme aisément les yeux sur le sort des personnes qui ne se conforment pas au moule. Les personnes âgées, en situation de handicap ou ayant une maladie mentale font partie de segments de la société qui passent entre les mailles du filet, sans la reconnaissance, le soutien ou le financement nécessaires.

La stigmatisation se nourrit du silence et nous nous sommes tous tenus cois trop longtemps. Cette fois-ci, ce sont les personnes âgées qui en ont payé le prix, souvent de leur vie. N’allons pas croire à tort que c’est terminé. En vérité, ce n’est peut-être là que le début, alors que les failles dans les fondations d’un système de santé érigé sur la négligence des stigmates et des personnes qui les subissent sont de plus en plus exposées. Les fondements sont ébranlés et nous devons tous en tenir compte avant que la structure ne s’effrite davantage.

Les recommandations faites par le bureau de la protectrice du citoyen stipulant qu’il faut fournir « des soins continus dans le respect des droits et de la dignité des personnes hébergées » doivent transcender les soins de longue durée, et les scénarios d’horreur qui s’y sont déroulés pendant la pandémie.

Les populations stigmatisées doivent être reconnues et soutenues avant la prochaine catastrophe, avant de nous retrouver de nouveau collectivement à nous demander comment une chose si évidente peut si mal tourner.

Il est peut-être plus simple (et nécessaire) de jeter le blâme sur les maîtres de cérémonie, mais sans auditoire, il n’y a pas de représentation.

Alors que nous acceptons avec difficulté les conclusions troublantes du rapport de la protectrice du citoyen et que nous nous efforçons de faire le ménage après la tempête, ne nous hâtons pas trop de désigner des responsables sans d’abord examiner ce comportement collectif qui a permis à notre société de chasser la poussière sous le tapis pendant trop longtemps.

*La recherche de Susan Mintzberg porte sur le rôle des proches aidants en santé mentale.

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