Symbole héraldique de la Confédération allemande de 1815 à 1866, l’aigle bicéphale a été remplacé par diverses versions à tête unique au fil des ans. Depuis le retour du Parlement allemand à Berlin en 1999, un énorme aigle stylisé, qui, selon plusieurs, ressemble plutôt à une grosse poule, domine la salle du Bundestag (chambre basse du Parlement) et semble donner un signal de prospérité bienveillante à ce pays qui a connu tant d’horreurs et de crises économiques.

L’entente survenue le 24 novembre pour créer une coalition tripartite composée des sociaux-démocrates, des verts et des libéraux pourrait amorcer une période de grands changements après les 16 années de l’ère Merkel et de gouvernements de coalition à deux dans lesquels l’alliance CDU-CSU dominait clairement le partenaire junior, fût-il social-démocrate ou libéral.

Que faut-il attendre du nouveau chancelier Olaf Scholz qui entrera en fonction au début décembre ? Je l’ai rencontré à deux reprises et en ai gardé l’impression d’un homme peu imposant dont le manque de charisme était compensé par son omniprésent et bouillonnant conseiller, Wolfgang Schmidt, qui dirigera probablement la nouvelle chancellerie.

Comment M. Scholz parviendra-t-il à garder le contrôle d’un gouvernement dans lequel les verts dirigeront un super ministère de l’Économie et du Climat de même que les Affaires étrangères alors que les libéraux, partisans d’un retour rapide à l’équilibre budgétaire, mèneront le ministère des Finances ?

Parviendra-t-il à rallier des visions très différentes, voire contradictoires, de ce que le gouvernement doit faire ? Quelle sera la réaction de la population plus conservatrice au projet de légaliser le cannabis et de mettre fin à grands frais à l’exploitation du charbon d’ici 2030, plutôt que 2038 ?

PHOTO MARKUS SCHREIBER, ASSOCIATED PRESS

De gauche à droite, les chefs des partis qui formeront une coalition tripartite au Parlement allemand : Annalena Baerbock et Robert Habeck, des verts ; le prochain chancelier Olaf Scholz, du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) ; et Christian Lindner, du Parti libéral-démocrate (FDP).

En parallèle, on peut penser que l’agenda ambitieux et potentiellement risqué de la nouvelle coalition incitera le parti chrétien-démocrate à se repositionner après le départ d’Angela Merkel qui a progressivement poussé la CDU vers le centre gauche en s’appropriant plusieurs des idées des sociaux-démocrates. Les trois candidats qui aspirent à diriger le parti devront prendre en compte ce nouveau paysage politique qui pourrait les amener à retourner à des positions plus conservatrices. Cela pourrait favoriser Friedrich Merz, politicien et financier plutôt tranchant, qui tentera de prendre la tête du parti pour la troisième fois plutôt que Norbert Röttgen, critique aux Affaires étrangères, et Helge Braun, actuel ministre de la Chancellerie sous Merkel. Le nouveau chef conservateur qui sera choisi le 21 janvier aura beaucoup à faire pour regagner la faveur des électeurs.

Il faudra donc voir vers quels horizons cet aigle à trois têtes que constitue la nouvelle coalition amènera l’Allemagne, première économie de l’Union européenne et partenaire incontournable pour le Canada. À bien des égards, les orientations annoncées dans l’entente de coalition se rapprochent des politiques du premier ministre Trudeau. Le Canada devrait en profiter pour consolider sa relation avec l’Allemagne, notamment pour ce qui est des relations économiques qui continuent de faire du surplace malgré l’accord de libre-échange Canada-Union européenne signé en 2017.

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