Les auteurs s’adressent au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge

Grâce à nos nombreuses dénonciations, le plus grand réseau d’écoles publiques du Québec, la Commission scolaire de Montréal (CSDM), s’est doté en 2018 des tout premiers protocoles d’intervention sur les comportements sexualisés et les violences sexuelles dans les écoles. Par ailleurs, depuis le 9 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion présentée par l’ex-députée de Marie-Victorin et mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, qui ouvre la porte à la création d’une loi-cadre pour prévenir les violences sexuelles dans les écoles primaires et secondaires.

La motion a été présentée conjointement avec vous, monsieur le ministre de l’Éducation, Jean François Roberge ; la députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy ; la députée de Sherbrooke, Christine Labrie ; la députée de Joliette, Véronique Hivon ; et le député de Chomedey, Guy Ouellette. Récemment, un projet de loi (n° 394) a même été déposé le 21 octobre par Christine Labrie, députée de Sherbrooke, afin de donner suite à cette motion.

Depuis trop longtemps, le collectif jeunesse « La voix des jeunes compte » se mobilise afin de permettre à tous les jeunes du Québec de pouvoir être scolarisés dans des établissements sécuritaires, justes et exempts de violences, ce qui est nécessaire considérant qu’on passe la majorité de notre temps à l’école. C’est notre deuxième maison.

Or, au moment même où nous écrivons ces lignes, plusieurs agresseurs circulent partout autour de nous en toute impunité. Ils récidivent constamment, font plusieurs victimes et tout le monde en est témoin. Il faut faire plus que de juste les changer d’école, ou même carrément nier ce qui est arrivé.

Après avoir dénoncé et énuméré les multiples formes de violences sexuelles vécues ou dont nous avons été témoins, nous nous sommes unies pour mettre fin aux violences sexuelles dans nos écoles primaires et secondaires.

Nous avons exprimé et expliqué à de nombreuses reprises à quel point les violences sexuelles sont difficiles à dénoncer. Suite à des années de travail, de mobilisation, de réflexions, de hauts et de bas, de découragement, de larmes de joie et de peine, nous avons persévéré parce que nous savons que des jeunes de partout au Québec nous regardent et attendent impatiemment que vous, Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, ancien professeur et directeur d’école, preniez la décision de nous protéger.

Ce qui est vraiment triste, c’est que nous, dans notre quotidien, nous voyons nos pairs se dégrader devant nos yeux faute de services adéquats. C’est pour cela que nous tenons tant à ce que la loi soit adoptée ; elle est source d’espoir pour tous les jeunes.

Même s’il s’agit d’une vérité difficile à entendre, ces violences se produisent quotidiennement dans nos écoles.

Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir, à écrire avec émotion, en pensant à nos pairs lorsque nous avons émis les recommandations qui se trouvent aujourd’hui dans le projet de loi 394.

Nous voulons des équipes-école formées, des ressources et des politiques claires, car il faut protéger celles qui dénoncent ainsi que tous les autres élèves qui sont tout autant à risque de vivre ces violences. C’est important aussi d’avoir du personnel ressource formé et présent à chaque jour pour répondre à nos besoins, car lorsque nos pairs ont envie de dénoncer, ils ne peuvent pas attendre indéfiniment sur une liste d’attente.

Épuisées, mais pleines d’espoir

En toute honnêteté, nous sommes épuisées de nous battre, épuisées de porter en nous les blessures de nos pairs, surtout que ce n’est pas tout le monde qui a la force de dénoncer.

Néanmoins, nous gardons espoir grâce à notre récente rencontre avec l’une de nos plus grandes sources d’inspiration, Tarana Burke, instigatrice du mouvement international #metoo. Elle a pavé la voie pour nous et c’est pour toutes les victimes ainsi que pour tous les jeunes que nous avons créé notre propre mouvement : #MeTooScolaire.

Nous pensons que malgré notre longue attente, l’adoption de la loi sera un geste d’empathie pour toutes les victimes qui n’ont pas été entendues jusqu’à aujourd’hui, qu’il s’agira d’un geste de protection, d’écoute et de réparation pour les générations à venir. C’était d’ailleurs l’essence même de la motion adoptée le 9 mars dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale, à laquelle vous avez vous-même donné votre appui.

Nous avons besoin, plus que jamais, de votre soutien pour qu’ensemble, on puisse faire grandir le Québec vers un avenir exempt de violences sexuelles. N’est-ce pas ce que nous désirons comme projet de société ?

C’est avec notre cœur d’enfants, de jeunes ados, de jeunes adultes, que nous vous demandons, Monsieur le Ministre, de nous croire, de nous écouter, de nous soutenir et de nous protéger parce que la voix des jeunes compte aussi.

Au nom de tous les jeunes, agissez !

* Cosignataire : Tarana Burke, fondatrice du mouvement international #metoo

* « La voix des jeunes compte » est un collectif jeunesse, récipiendaire de la médaille de la paix du YMCA Québec, composé majoritairement de jeunes femmes âgées de 15 à 21 ans qui se mobilisent depuis plus de quatre ans contre les violences sexuelles dans les écoles, car c’est un endroit clé pour faire de la sensibilisation et de la prévention auprès des jeunes.

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