La préservation de notre société francophone sur un continent très majoritairement anglophone constitue un défi que nous devons relever à chaque génération. La grande majorité de la communauté d’affaires en est bien consciente. Elle comprend les implications de déclarer le français langue officielle du Québec : les Québécois ont le droit de vivre en français, comme citoyens, travailleurs et consommateurs. Cela signifie également que le gouvernement a le devoir de s’assurer que ces droits sont respectés.

À intervalles réguliers, les Québécois s’interrogent sur l’état des lieux et évaluent si nous réussissons à préserver le statut du français comme langue commune.

Cette année, devant l’inquiétude grandissante des Québécois sur le recul du français dans l’espace public, les deux ordres de gouvernement ont déposé des projets de loi pour renforcer la protection du français.

Le milieu des affaires de la métropole, par la voix de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a signifié son appui à ces réformes, notamment lors des consultations publiques sur le projet de loi 96.

L’anglais, langue internationale des affaires

Notre appui au renforcement de la protection du français n’entre pas en contradiction avec notre autre message : nous devons, pour notre réussite économique, maintenir un équilibre entre notre droit de travailler en français et la nécessité de faire place au bilinguisme dans nos entreprises actives à l’international et dans les sièges sociaux des filiales étrangères établies au Québec.

Soyons clairs : la place du français dans nos entreprises est fondamentale. Cependant, notre avenir économique dépend en partie d’une interrelation avec le reste du monde où l’anglais est, de facto, la langue internationale des affaires.

Concrètement, faire des affaires à l’extérieur du Québec exige une connaissance avancée de l’anglais dans plusieurs sphères : gouvernance, développement des affaires, services juridiques, marketing et communications, approvisionnement, etc.

Notre défi est particulier. Dans la presque totalité des régions du monde, la préservation de la langue locale n’est pas menacée par les décisions des entreprises d’exiger ou non la connaissance de l’anglais.

Cela nous impose de bien calibrer nos lois et nos règlements pour atteindre ces deux objectifs.

La responsabilité des entreprises

La grande majorité des dirigeants d’entreprise comprennent la nécessité de protéger le français au Québec.

Évidemment, le discours unilingue prononcé à notre tribune par Michael Rousseau, président et chef de la direction d’Air Canada, et les propos qu’il a tenus à la suite de son allocution ont entraîné une forte réaction et remis de l’avant l’importance de la place du français au sein des entreprises.

M. Rousseau a reconnu que ses propos étaient inacceptables et il s’en est excusé. Le conseil d’administration d’Air Canada lui a signifié que son évaluation de performance tiendrait compte de sa maîtrise du français. M. Rousseau s’est engagé à apprendre le français.

Au-delà de ce cas particulier, il est important de rappeler l’évolution des responsabilités des conseils d’administration. On a longtemps statué que les administrateurs devaient choisir les dirigeants uniquement sur la base de leur aptitude à créer de la valeur pour les actionnaires. Cette situation est en train de changer.

On sait maintenant que les sociétés les plus performantes sont dirigées par des leaders qui comprennent l’importance d’autres facteurs tout aussi névralgiques, notamment la performance environnementale de l’entreprise, l’intégrité de sa gouvernance, la place égalitaire faite aux femmes et l’inclusion du talent issu de la diversité.

Le message que vient d’envoyer la société québécoise aux conseils d’administration est très clair : pour être dirigeant d’une entreprise établie au Québec, il faut comprendre et reconnaître l’importance de respecter la place du français dans l’identité québécoise.

L’engagement de la Chambre

La mission de la Chambre est de porter la voix du milieu des affaires pour bien communiquer les enjeux des entreprises et aider à trouver des solutions pour renforcer notre économie. À ce titre, nous invitons à notre tribune tous les dirigeants d’entreprise susceptibles d’avoir un impact majeur sur l’économie de la métropole.

Jusqu’ici, nous avons toujours invité les dirigeants d’entreprises établies au Québec nouvellement entrés en poste, même lorsque leur connaissance du français était limitée. Dans ces cas particuliers, ils avaient la courtoisie de prononcer des parties de leur allocution en français.

De toute évidence, cette condition est insuffisante.

À l’avenir, nous nous assurerons que ces dirigeants reconnaissent pleinement l’importance de connaître le français pour diriger une entreprise au Québec et, s’ils ne le maîtrisent pas, qu’ils s’engagent publiquement à l’apprendre au cours des trois années suivantes.

Il nous incombe d’aller encore plus loin.

La Chambre est déjà active et travaille depuis plus d’une décennie à faciliter la francisation des PME et des commerces sur son territoire. Nous nous engageons à lancer une initiative majeure de sensibilisation des équipes dirigeantes et des administrateurs des grandes entreprises localisées dans la métropole à la nécessité d’adopter une culture d’entreprise qui respecte le droit au travail en français, et ce, à tous les niveaux. C’est une question de leadership.

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